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Manipulation, propagande [version 0.32 du 19/11/2008][ancienne version 0.30 du 02/11/2008]

lundi 8 septembre 2008, par omedoc

Définition

Manipulation = art d’amener autrui à faire de son plein gré, ce qu’il n’a pas spontanément envie de faire : de le conduire à une soumission "librement consentie".

On a donc la notion d’une action (ou opinion) qui prendrait son origine,non pas dans la libre réflexion de la personne, mais à l’extérieur. Il s’agit d’induire ou d’obtenir un comportement.

La personne croit qu’elle est libre de faire (ou de penser) ce qu’elle fait (ce qu’elle pense). Lorsqu’on dévoile la réalité (inconvénients dissimulés, caractère fictifs de certains arguments) un faible pourcentage revient sur son acceptation initiale.

Il en résulte une soumission à l’autre. On sert l’intérêt de l’autre et non son propre intérêt.

Différentes techniques

  • L’amorçage
    • Promettre de l’argent.
    • Faire remplir un questionnaire.
    • Annonce progressive des inconvénients.
    • Insistance sur des avantages secondaires.
    • Dissimulation de certains inconvénients.
    • Faire miroiter certains avantages fictifs.
  • Le leurre : Proposer une décision intéressante avant de dévoiler qu’elle est impossible, et de proposer en remplacement, une moins bonne décision. (Exemple : article soldé non à sa taille)
  • Le pied dans la porte : Demander une broutille à quelqu’un, puis quelque chose de plus important ensuite. ( Exemple demander l’heure au passant dans la rue avant de leur demander une pièce)
  • Poser une question qui attire obligatoirement un oui avant de demander quelque chose, ou bien poser des questions et faire sa demande de telle façon que la personne ne puisse jamais choisir entre oui et non (très fréquent avec la pub au téléphone).
  • Entrer ("librement") dans un commerce pour voir, est un équivalent de oui. Une fois qu’on a dit oui, il est très difficile de dire non. D’où les portes systématiquement ouvertes, même en hivers. ("Entrée libre sortie payante")
  • Le faux choix donné aux enfants qui ne veulent pas manger (tu veux la soupe dans cette assiette ou dans celle-là ?) est un équivalent
  • Demander quelque chose d’invraisemblable, puis, après le refus, autre chose de plus réaliste.
  • Manipuler les émotions d’autrui : chantage affectif, émouvoir.
  • Manipuler l’intelligence d’autrui.

Le manipulateur obtient des résultats largement supérieurs s’il donne des gages de non manipulation [1] :

  • Affirmer la liberté de refus du manipulé.
  • proposer un petit cadeau et non un gros.

Il faut éviter que la ficelle soit trop grosse.

Article du Monde 8 juin 2001 : L’UFC Que choisir fait le procès du "crédit facile"

« Devant le tribunal, l’association de consommation qualifie d’« escroquerie » des publicités et des mailings de la société de crédit XY »

L’association des consommateur reproche aux établissements de crédit d’appâter le client avec des arguments racoleurs et fallacieux. Certains ont porté plainte pour publicité mensongère. Elle leur reproche de mener des campagnes publicitaires qui étaient de nature à induire en erreur le chaland et de s’être, par la même, rendu coupable d’escroquerie. Pour l’avocat les publicités incriminées sont trompeuses car elles laissent entendre que de faibles mensualités sont à l’avantage du consommateur, ce qui est faux puisque plus la mensualité est faible plus le coût total est élevé. Une condamnation ferait la joie des assistantes sociales qui sont souvent confrontées à des dossiers de surendettement. [2]

La société attaquée explique que ceci est faux car le client à tout le loisir d’examiner l’offre chez lui, tranquillement, et donc que la responsabilité pénale ne saurait être engagée. les publicité ne sont ni fausses, ni de nature à induire en erreur le consommateur. Il n’y a pas eu de manœuvre frauduleuse. Enfin l’affirmation selon laquelle le crédit permanent est à l’origine du surendettement est erronée. Les causes du problème sont sociales.

Il est nécessaire de définir les arguments racoleurs, fallacieux, faux, le mensonge, l’erreur, les sous entendus, les éléments de nature à induire en erreur.

L’erreur est une réponse non conforme à ce qui est attendu et donné comme vrai. La représentation de l’erreur relève d’abord d’une évaluation de son adéquation à la vérité. Ici estimer que le crédit proposé est avantageuse est une erreur en référence à la vérité qui serait l’inverse. Comment connait-on la vérité ? Il faudrait pour cela donner les deux arguments à égalité : les mensualités sont faibles mais le coût total est plus important. Il faudrait aussi éclairer le consommateur sur le risque de surendettement. Le dupé induit à l’erreur a une fausse idée de la réalité.

Le mensonge est définie par le fait de communiquer de fausses informations de telle façon que le dupé soit trompé sur l’opinion du menteur. Les arguments fallacieux induisent en erreur sans pouvoir être qualifiés de vrais ou faux car trop ambigus.

Les "forces cachées" qui nous manipulent [3]

Voici trois téléviseurs, Panasonic, écran 36 pouces, 890 euros ; Toshiba, ecran 42 pouces, 850 euros ; Philips, écran 50 pouces, 1480 euros. Beaucoup de consommateurs hésitants achèteront le produit intermédiaire.

Voici trois maisons de valeur à peu près équivalente, deux sont de style XVIII°, la troisième de style contemporain. Simplement la toiture de l’une des maisons XVIII° est à refaire. Beaucoup choisiront la maison du XVIII° en parfait état car on a la possibilité de comparer. La maison de XVIII° abimée sert de leurre.

Le chaland sera attiré par la queue queue aux étals, les bonnes odeurs, les jolies présentations avec des noms qui chantent, la variété dans les choix, malgré un prix deux fois supérieur.

Les consommateurs ont tendance à éprouver ce qu’ils attendent, à s’autopersuader, s’autosuggestionner. On sent ce qu’on s’attend à sentir, nos attentes modifient notre perception et notre appréciation d’une expérience. C’est le cas des placebos.

Les exemples foisonnent dans le livre.

Donc nous avons des comportements "irrationnels" et ceux qui veulent nous manipuler [4] en profitent.

Pour d’autres forces cachées voir Alain Accardo : un interview de lui, et mon article sur le militantisme

La langue du vainqueur

Il s’agit d’un article (très ancien) de Christophe Jakubyszyn du journal le monde qui protestait contre l’envahissement de l’anglais dans les entreprises. [5]

[...] A l’heure où le premier ministre, Lionel Jospin, affirme que si on ne peut aller à l’encontre de l’« économie de marché », on peut au moins résister à « la société de marché », faire entrer la langue du conquérant dans les mœurs n’est peut-être pas le meilleur moyen d’immuniser les esprits. On sait déjà depuis longtemps que derrière la « share-holder value » et le « corporate governance » se cache une idéologie qui place l’actionnaire au cœur des décisions stratégiques des entreprises. La France n’a ni les moyens ni l’ambition de s’opposer à ce modèle efficace de fonctionnement de l’économie. mais adopter son vocabulaire, c’est se priver des moyens de faire entendre ses petites différences. [...]

Adopter des mots anglais dans l’entreprise est donc de la propagande idéologique en faveur de l’économie de marché.

Le choix des mots que nous employons est important, il peut influencer nos opinions [6].

Donc

L’origine de nos choix et décisions peuvent provenir de l’extérieur [7] : le manipulateur, l’idéologie ambiante . Ils s’appuient sur nos comportements et notre mode de penser "irrationnel" spontané.

Appel à l’émotion !

« 
L’art de raconter des histoires - ou storytelling - est désormais au cœur des stratégies de communication. pas de meilleur moyen pour vendre au public une marque, une opinion politique, une candidature. Nous en connaissons de multiples exemples. il s’agit de capter l’attention, d’émouvoir, de paraître avoir le souci de bien des personnes en souffrance et du sort des victimes. ... Ces récits sont devenus des instruments majeurs du lobbying. pour produire les effets désirés, ils doivent être bien conduits. peu d’informations, pour ne pas faire apparaître la complexité des situations humaines ; quelques personnages-clefs auxquels on pourra s’identifier ou qui soient des peurs collectives ; et beaucoup d’émotion. il ne s’agit pas d’informer, encore moins d’inviter à la réflexion. l’important est de “communiquer”.
[...]
Il ne s’agit pas de récuser l’émotion, ni de trop l’opposer à la raison. Elle peut soulever le couvercle de l’indifférence, rendre attentif à la souffrance d’autrui, susciter l’indignation devant l’injustice. mais elle est facilement manipulable, peut se retourner en son contraire et, sous couvert d’attention à autrui , conduire au rejet de celui-ci.... »

 [8]

Divers

Technique du
pâté d’ alouette bien connue : quelques éléments indubitablement vrais
qui permettent de faire passer les approximations, les erreurs et/ou
les mensonges délibérés.

Il y a trois sortes de manipulations :
 la manipulation involontaire ; par exemple lorsqu’on utilise la langue des dominants
 la manipulation volontaire pour le bien du manipulé . Avons-nous le droit de décider ce qui est le bien et le mauvais pour l’autre ? C’est très souvent le cas dans la relation médicale
 La manipulation volontaire pour le bien du manipulateur. C’est le cas de certains médecins avec certains conflits d’intérêt.

Tout discours est donc manipulateur (De même : tout discours contient de l’implicite). On ne peut pas ne pas manipuler.

http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2013-04/comprendre_la_promotion_pharmaceutique_et_y_repondre_-_un_manuel_pratique.pdf

La personne est d’autant plus influençable (voir page 27)
qu’elle pense ne pas être influençable au contraire des autres
Qu’elle utilise des raccourcis décisionnels.
Il s’agit pour les entreprises pharmaceutiques d’agir sur ces raccourcis…

Mesurer, évaluer, objectiver, permet d’éviter les raccourcis et de contrer les techniques d’influence.

"Tabasco ,un membre qui a l air très bien informé sur le sujet , parlait des bienfaits du charbon naturel pour la détox des cellules ."

http://www.echosciences-grenoble.fr/communautes/atout-cerveau/articles/le-baratin-pseudoprofond-decrypte

“Samuel n’était pas homme à s’émouvoir beaucoup de ce qu’il avait fait et de ce qu’il avait causé.
« En somme, se disait-il, que pouvaient lui reprocher Gretchen et Christiane ? »
Il ne les avait pas même forcées, elles s’étaient données à lui. l’une il est vrai, dans l’exaltation produite par un breuvage ; mais qu’importe que l’exaltation, sans laquelle aucune femme ne se donne, provienne artificiellement d’un breuvage ou provienne naturellement des sens ?
Qu’on enivre une femme avec du vin ou avec des paroles, où est la différence ? ce qu’il avait fait, tous les hommes le font. prendre une jeune fille pure, chaste, ignorante, lui dire des mots qui la troublent, la faire frissonner en lui touchant la main, lui allumer le sang avec un regard, lui brûler les lèvres avec un baiser, et profiter de son trouble, de son ignorance pour la perdre, cela est innocent, cela est irréprochable, cela se fait tous les jours ; mais produire le même résultat par deux gouttes de liqueur au lieu de le produire par des paroles, par des regards et par des baisers, voilà qui est criminel, monstrueux et effroyable : la séduction se métamorphose en viol !
Quand à Christiane, s’il lui avait fait la cour comme tout jeune homme bien élevé la fait à toute femme mariée de sa connaissance ; s’il avait été galant, empressé et assidu auprès d’elle ; si par quelques roulements d’yeux entremêlés de cadeaux, il était parvenu à se faire aimer ; s’il avait eue pour un bracelet, ou pour un éventail, ou pour des élégies, ce serait l’histoire universelle.
Mais, comme au lieu de se donner pour un compliment, elle s’était donné pour son enfant ; comme au fond de son action, au lieu de la coquetterie, il y avait la maternité, alors l’action devenait abominable, et Samuel, qui aurait été un galant homme et un charmant viveur, devenait un parfait scélérat pour avoir fait commettre à Christiane un adultère moins ignoble que les autres.
Christiane s’était tuée ; mais qui l’y forçait ? Était-ce Samuel qui ’lavait poussée dans le Trou de l’Enfer ? ce n’était pas un meurtre, c’était un suicide.
Donc, Samuel n’avait rien absolument à se reprocher !...
Et cependant, d’où lui venait le besoin qu’il sentait pour la première fois de sa vie de se disculper à ses propres yeux ? Pourquoi essayait-il de se justifier à force de sophismes ? pour qu’il se défendit ainsi, qui donc l’accusait ?” [9]


Livres :
1) Petit traité de manipulation à l’usage des gens honnêtes : présentation d’un ensemble d’expérimentations référencées. Différentes techniques exposées.


[1Il ne s’agit pas si pratiquées seules de techniques de manipulation

[2Il n’y a pas que les organismes de crédit qui poussent au surendettement : voir le témoignage de Delphine.

[3Voir le livre de Dan Ariely : « C’est (vraiment ?) moi qui décide ». Chapitre extrait de l’article du quotidien du médecin du 27 mai 2008 qui présente ce livre.

[4parfois soi-disant pour notre bien

[5En fait il s’agissait plus précisément de la loi Murcef qui acceptait que les documents adressés aux actionnaires soient rédigés seulement en anglais.

[6C’est pourquoi je préfère employer le mot de travailleur au mot de salarié, même s’il a été trop utilisé à une certaine époque, On peut aussi s’interroger sur les conséquences des étiquettes médicales, sans parler de l’impact de certains termes médicaux employés dans les comptes rendus d’examens complémentaires

[7Opposé à une origine interne : volontaire, préconsciente ou inconsciente

[8Patrick vespieren : la dictature de l’émotion. Revue Etudes de sept 2008. A propos de l’exploitation médiatique du "cas" chantal sébire ;

[9Alexandre Dumas, Le Trou de l’enfer. p857-858