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Somatisations : traitement. [version 0.25 du 06/09/2008][ancienne version 0.20 du 26/08/2008]
lundi 25 août 2008, par
Il n’y a qu’une seule voie pour le traitement c’est le travail psychologique que la personne peut faire sur elle même. Tous les médicaments, en particulier les traitements symptomatiques sont inefficaces. Ce travail psychologique est du même ordre que celui de l’être humain pour devenir "adulte" ( ou élever sa conscience [1], ou trouver un sens à sa vie..) . On peut l’y aider ou tout au moins ne pas mettre d’obstacle à cette évolution "naturelle".
Pas de travail psychologique possible sans vérité, et pas d’efficacité thérapeutique donc.
La vérité est aussi un devoir moral. Estimer qu’une personne ne pourrait supporter la vérité c’est l’infantiliser. C’est d’ailleurs la description de la relation actuelle médecin, malade-qui-somatise, qu’en fait le préfacier du livre de Pascal Cathebras [2] ». Le patient veut être chouchouté, le médecin l’infantilise en retour ( ou rejette cette infantilisation, ce qui entraîne un conflit.). [Pour les médecins].... « Ce sont ces éternels enfants qui réclament un peu plus d’attention que les autres, une attitude bienveillante et tranquille qui puissent inspirer confiance, des mots qui rassurent et dédramatisent, ces enfants capricieux qui savent aussi nous agacer et parfois nous faire sortir de nos gonds, bref nous pousser à nous montrer sous un jour dont nous ne sommes pas fiers. ».
Pour le préfacier (Pr Silla M. Consoli), exprimant le point de vue de pascal Cathebras, adopter une attitude de vérité, de relation entre adultes, est une attitude "trop dogmatique" : « la résolution des troubles... [ne doit pas passer] comme certains l’ont prétendu, par une reconnaissance par le malade de l’origine psychique de ses symptômes et par la verbalisation des difficultés personnelles jouant un rôle dans leur déterminisme. ». Il estime qu’il est plus efficace ("utile") et « acceptable » pour le patient de mentir sur ce qu’on croit être la vérité [3], c’est à dire« d’accepter d’avoir un pouvoir limité » sur la santé de tels patients, de « réviser son ambition thérapeutique ». Il s’agit en fait, en quelque sorte, de savoir baisser les bras : « Non pas que la médecine leur soit indispensable pour aller mieux : certains patients vont mieux parce que leur symptômes sont, de par leur nature, spontanément résolutifs, d’autres parce que leur contexte de vie a changé favorablement, d’autres encore on ne sait pas très bien pourquoi ! ».
Il n’est pas démontré que cette attitude soit plus efficace. Comme je l’ai dit, je suis d’accord pour dire que le patient ne peut s’en sortir que par ses seuls propres moyens, mais pour cela, la prescription d’un placebo, des mensonges sur ce que l’on croit vrai, sont-ils le meilleur des accompagnements ? Je pense que c’est non seulement moralement inacceptable, mais que c’est aussi un projet thérapeutique à courte vue.
D’ailleurs la plupart des médecins n’ont-ils pas complètement baissé les bras ? Ce qui se traduit, soit par une agressivité envers les patients (pouvant d’ailleurs être signe de burn out) soit par une totale passivité. Dans le meilleurs des cas ils essayent d’inventer un lien thérapeutique : voir la "troisième possibilité" précisée dans cet article. On peut, et il faut, aller plus loin que la seule "modestie bienveillante". Si on veut guérir il faut viser à la guérison comme un idéal.
Bien sûr il ne s’agit pas de dire la vérité de façon abrupte. Comme pour tout les autres cas où elle pose problème, il faut savoir la dire. Il est toujours possible au moins de ne pas mentir sur ce que l’on croit (de tout façon, le malade sent lorsqu’on lui ment).
De façon générale, l’action (ici thérapeutique) peut-être directe ou indirecte.
Ici l’action directe serait de dire : « Vos troubles sont probablement d’origine psychique (mais la certitude ne peut être, comme pour tout, à 100%). Qu’en pensez-vous ? Est-ce possible ? Je vous propose d’analyser tous les éléments de votre vie qui pourrait expliquer ces douleurs..... et de suivre l’évolution (ne pas absolument éliminer une origine organique.... Vous me demandez un traitement antalgique, sachez que vu l’origine psychique des troubles celui-ci sera inefficace, tout en risquant d’en devenir dépendant. Il ne doit pas être l’occasion d’éviter un travail psychologique sincère. Qu’en pensez-vous ? quel est votre choix ?
»
Il s’agit de faire une information éclairée, sachant qu’en dernier ressort cet au patient de décider... le médecin n’a pas à décider de ce qui est le mieux pour son patient dans la mesure ou l’alternative thérapeutique organiciste est médicalement justifiable.
Dans certains cas le refus de la vérité est tellement massif que l’action thérapeutique directe est impossible.
L’action indirecte peut se faire sous deux formes, manipulatoire, ou non manipulatoire. Dans le cas de la manipulation, l’intention réelle est cachée, il y aurait un sentiment de tromperie ou de mensonge si elle était avouée. Le patient est considéré comme un enfant. On sait mieux que lui ce qui est bon pour sa santé : s’il n’aime pas la soupe, on va attirer son attention ailleurs, et enfourner précipitamment. Evidemment un traitement par placebo est l’exemple même de la manipulation.
Une action indirecte sans tromperie est-elle possible ? Je pense au mécanisme du levier. Cela peut se faire par une analyse d’un traumatisme et de ses conséquences pour lui même, ou une analyse approfondi d’un symptôme pour lui même (crainte de souffrir d’une maladie grave, problèmes au travail...). On recherche donc volontairement à avoir une action limitée, en espérant qu’un mini changement sur un point puisse provoquer un bouleversement complet. Il faut que la personne entrouvre la porte. Il faut qu’on puisse lui expliquer (rétrospectivement) la démarche sans qu’elle se sente trompée.
Dans tous les cas il faut éviter de coller des étiquettes qui le plus souvent sont connotés différemment par le patient et par le médecin.
Comment, par exemple répondre à la question : “Docteur est-ce dans la tête ?”
La réponse au patient que donne Pascal Cathébras à la question "La fibromyalgie, est-ce tout dans la tête ?" est écrite ainsi : [4]
« Non, même si le "moral" au sens large joue un grand rôle dans la maladie. Par exemple, la crainte persistante de souffrir d’une maladie grave, ou d’autres causes d’anxiété, sont des facteurs d’entretien des douleurs. De même la démoralisation, qui devient parfois une véritable dépression, aggrave considérablement les douleurs et l’invalidité. enfin, la perte de confiance en soi et dans les soignants est aussi néfaste. Tous ces facteurs psychologiques ne peuvent être considérés comme des causes univoques au problème, mais doivent être envisagées comme des facteurs de renforcement de la douleur et de la fatigue, et il faut chercher à les faire disparaître par des traitements adaptés. »
Critique de ce type de réponse :
– A la lire, je ne crois pas que cela puisse dissiper tout doute. Pas d’affirmation explicite d’une origine organique (dans la mesure ou la question porte sur l’éventuelle origine psychologique des troubles).
– En cours d’écriture..
Ma réponse :
– D’abord ne pas mettre d’étiquette, ne pas parler de fibromyalgie car c’est déjà organiciser le problème tout en provoquant la suspicion du malade, qui au fond n’est pas dupe (d’où les questions itératives sur le rôle du psychique).
– Ensuite que veut dire pour le patient : "est-ce dans ma tête ?". Le lui demander ! Lui demander ce qu’il en pense ? Avez-vous une explication sur l’origine de vos douleurs ? Est-ce qu’une origine psychologique est absolument impossible ?
Le médecin et le malade ne donne absolument pas le même sens à l’expression : « c’est dans la tête ». Le patient a peut-être une opinion sur l’origine de ses douleurs, à défaut d’en avoir une sur la fibromyalgie en tant que diagnostic médical asséné.
– Enfin, pourquoi pose-t-il cette question ? Sur quoi veut-il être rassuré ? Qu’il n’est pas fou ? qu’on le croit ? En fait, selon moi, il s’agit de se déresponsabiliser. Le patient qui somatise n’est pas coupable mais il est responsable d’essayer de s’en sortir = guérir.
Un exemple qui a finit bien : [5]
Il s’agit de questions posée à "Delphine, 33 ans, qui suit une formation d’agricultrice" après avoir travaillé pendant 10 ans comme ingénieur dans l’industrie automobile.
Question : Pourquoi es-tu devenue ingénieur en mécanique alors que, visiblement, tu avais plutôt vocation d’être paysanne.
Delphine :[...] Vu que j’avais de bonnes notes, il était naturel que je fasse... une école d’ingénieur[...] je me suis retrouvée à 23 ans sur le marché du travail, sans avoir vraiment eu l’occasion de me demander si j’étais "sur la bonne voie". J’étais assez sceptique sur le fait que ça me plaise[...]
Question : Comment s’est passé ce premier travail ?
Delphine : Je ne pouvais pas me plaindre, il n’y avait ni stress, ni tensions. Seulement je ne trouvais pas de quoi m’épanouir avec mes collègues. Les conversations étaient très limitées [6] [...] Et puis profondément - même si je n’ai pas verbalisé aussi nettement à l’époque - le problème était que je ne trouvais pas de sens à ce que je faisais.
Question : Tu t’ennuyais ?
Delphine : Oui. Je n’étais mas motivée par mon travail[...]
Question : C’était une ambiance de travail difficile ? [7]
Delphine : Même pas. [...] les gens étaient gentils [..] J’avais un très bon salaire, une situation reconnue socialement et plutôt "enviable" [8] [...]
Question : Alors qu’elle était le problème ? [9]
Delphine : Déjà l’entreprise a fait l’erreur de m’envoyer en stage ouvrier : il sortait une voiture par minute de l’usine ! je me suis posé la question d’où allaient toutes ces voitures, et si on en avait vraiment besoin d’autant. L’autre erreur a été de m’envoyer aussi chez un concessionnaire : j’ai vu comment on imposait [10] l’achat de voitures neuves à des personnes qui n’en avaient pas besoin, voire qui étaient surendettées [11]. Tout cela ne m’a pas vraiment motivée. Je commençais à découvrir la réalité des entreprises : vendre, quelles que soient les implications. [12].
Je ne ressentais absolument aucune fierté dans mon travail [13] : aider à construire des automobiles, faire gagner de l’argent à une entreprise qui ne signifiait rien de particulier pour moi. Je ne me sentais pas bien. J’avais l’impression que la vie pouvait être plus stimulante, mais je m’en sentais tellement loin ! c’était profondément déprimant. J’en étais à un point tel que le matin, pour me motiver à partir de chez moi, je me disais que j’allais faire un tour à moto.
Question : Ce n’était pas très réjouissant, en effet, mais tu aurais pu continuer à vivre comme cela ; beaucoup le font.
Delphine : C’est vrai. C’est la solution de facilité [14] : prendre ce qu’on nous donne sans se poser de questions. Mais un jour, j’ai eu comme un flash. Je m’en souviens très nettement. J’avais 27 ans et j’étais assise dans mon bureau, dans mon fauteuil, un gros fauteuil molletonné et confortable. En face de moi, j’apercevais l’ensemble de mes collègues, qui étaient plutôt des quadragénaires et avaient fait toute leur carrière chez Peugeot. Je me suis vue là, et je me suis dit : Non, ce n’est pas possible, je ne peux passer toute ma vie sur ce fauteuil, je suis encore jeune, je dois faire autre chose de ma vie.
Question : tu es partie ?
Non, pas tout de suite.
[..] je ne trouvais pas de porte de sortie. J’avais à la fois peur de partir sans avoir aucun projet. Cela devenait intenable. J’ai commencé à faire des crises de larmes au bureau, je m’imaginais des scènes où je claquais la porte en courant au milieu d’une pluie de dossiers qui volaient...
A ce moment là, je me disais juste que c’était moi qui avais un problème [15], ce n’est que plus tard que j’ai compris le manque de sens profond de ce travail. Finalement comme mon frère me trouvait très déprimée, il m’a payé un week end de psychothérapie, qui se faisait en groupe. Je m’y suis rendue et là... ce fut vraiment très intense.
Question : Cela t’a permis de prendre conscience de ta souffrance ?
Delphine : Les personnes présentes avaient des vies si dures ! [...] Je me suis sentie toute petite avec mon problème au travail. Cela a été à mon tour de parler. je l’ai fait et ensuite, tous ces gens sont venus me voir en me disant que ce boulot n’était pas pour moi, qu’il ne fallait pas continuer à souffrir. Grâce à eux, j’ai enfin pris conscience qu’il fallait vraiment que j’arrête. C’était désormais évident. [...]
[...]
Question : Comment t’es-tu sentie le jour où tu as arrêté ce travail ?
Delphine : A la fois extrêmement soulagée et perdue. Je me sentais au bord d’un précipice. Mon avenir était complètement vide, inexistant. [16] A cette époque, je m’étais aussi séparée de mon copain et mes amis ne comprenaient pas non plus [17] [...]
La suite dans le journal.
Mon commentaire : Delphine ne s’est pas enfermée dans sa souffrance. Même avec un problème qui semblait au départ négligeable, tout ceci aurait pu avoir des conséquences graves : un médicalisation avec diagnostic de dépression et/ou de somatisations ; une chronicisation en l’absence de prise de conscience de l’origine de son mal être . Si au départ on avait fait une prise de sang on aurait pu trouver un fer limite, une TSH limite, etc... ce qui aurait enkysté le problème.
Delphine a pu faire un travail psychologique sur elle même, à la recherche de la vérité de sa souffrance. Elle a été aidée par le "flash" qu’elle a su exploiter, par son frère qui à su l’orienter, et par une "bonne" thérapie de groupe. Il n’y a pas que les médecins qui peuvent guérir.
Suite en cours d’écriture
– Traumatisme avec somatisations par la suite
– Névrose avec somatisations
– Hystérie
[1] « La douleur est le passage à une moindre perfection ». Spinoza
[2] « Troubles fonctionnels et somatisations »
[3] C’est le même problème éthique que celui de la prescription du placebo. D’ailleurs dans ces somatisations, 90% des prescriptions sont des placebo
[4] Page 192
[5] Extrait du journal la décroissance de sept 2008. les notes sont de moi
[6] Il y aurait un article à faire sur l’art de la conversation...
[7] Elle a demandé un autre poste de travail et le mal être s’est aggravé : « c’était pire ».
[8] Qu’est-ce que cela aurait été si l’ambiance était mauvaise ?
[9] Une partie de mon site analyse cette notion de problème.
[10] Voir l’article sur la manipulation
[11] Mon épouse, qui est assistante sociale, confirme la fréquence et les dégâts que cela peut faire. Il s’agit de violences faites sur des personnes fragiles. Elles sont sous estimées. Elles devraient être plus prévenues et/ou réprimées
[12] C’est donc : "qui veut la fin, veut les moyens". D’où la souffrance de celui qui en est victime. D’où le mal moral de celui qui y participe et in fine souvent la maladie tout court
[13] Cette réflexion est très importante et tous les travailleurs devraient se poser la question
[14] Pour Rilke il faut "se tenir au difficile"
[15] Organiciser les symptômes aurait été une façon de nier cela
[16] On peut comprendre qu’il soit si difficile de changer.
[17] Cela fait parti des graves conséquences de sa souffrance