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La souffrance : introduction

mercredi 6 février 2008, par omedoc

La souffrance est destructrice :

 En soi, par l’altération de la conscience qu’elle entraîne. Plus la douleur est intense, plus elle occupe le champ de la conscience. C’est pourquoi les grandes douleurs sont muettes.
 Par la réaction inappropriée qu’elle peut entraîner : la haine de l’autre, l’envie de se venger, la plainte et ses risques (= abandon de son entourage, surmédicalisation), la désinsertion sociale.... Parfois la cause initiale de la souffrance a disparu et pourtant persiste la seule réaction autodestructrice (idem la réaction allergique ou la réaction inflammatoire trop importante de l’algodystrophie). Cette réaction peut être destructrice du fait de conséquences irréversibles : chirurgies inutiles.

La haine, la vengeance

« Ne pas oublier qu’à certains moments de mes maux de tête, quand la crise montait, j’avais un désir intense de faire souffrir un autre être humain en le frappant précisément au même endroit du front. » Simone Weil : La pesanteur et la grâce.

Je suis étonné de cette pensée de Simone Weil. Je n’ai jamais vécu cette façon de réagir. Pourtant cela pourrait expliquer certaines réactions à la souffrance !

Toujours de Simone Weil :
« Mécanique humaine. Quiconque souffre cherche à communiquer sa souffrance - soit en maltraitant,soit en provoquant la pitié - afin de la diminuer, et il la diminue vraiment ainsi. Celui qui est tout en bas, que personne ne plaint, qui n’a le pouvoir de maltraiter personne (s’il n’a pas d’enfant ou d’être qui l’aime), sa souffrance reste en lui et l’empoisonne. Cela est impérieux comme la pesanteur. Comment s’en délivre-t-on ? Comment se délivre-t-on de ce qui est comme la pesanteur ? »
« Tendance à répandre le mal hors de soi : je l’ai encore ! Les êtres et les choses ne me sont pas assez sacrés ! puissè-je ne rien souiller , quand je serais entièrement transformée en boue. Ne rien souiller même dans ma pensée. Même dans les pires moments je ne détruirais pas une statue grecque ou une fresque de Giotto. Pourquoi donc autre chose ? Pourquoi par exemple un instant de la vie d’un être humain qui pourrait être un instant heureux ?
 »

Quand on souffre on cherche à blesser les autres :
 Les médecins conseils reçoivent parfois des courriers d’assurés mécontents d’un avis donné les concernant. Le médecin conseil fait parfois souffrir l’assuré en disant non malgré toutes les précautions prises, et celui-ci cherchera en retour à blesser le médecin conseil par des critiques "ad hominem".
 La révolte des banlieues, n’est-elle pas un autre exemple de cette "mécanique".
 Entendu ce jour à la radio une mère de victime de la maladie de Creutzfeld-Jakob en procès contre France hypophyse. Elle disait sa haine, et que cette "haine était destructrice".
Elle voulait entendre les inculpés s’expliquer eux même : "et dire pourquoi ils ont fait cela ?"

« Désir de voir autrui souffrir ce qu’on souffre, exactement. C’est pourquoi, sauf dans les périodes d’instabilité sociale, les rancunes des misérables se portent sur leurs pareils. C’est là un facteur de stabilité sociale. »

« Tendance à répandre la souffrance hors de soi. Si, par excès de faiblesse on ne peut ni provoquer la pitié ni faire du mal à autrui, on fait du mal à la représentation de l’univers en soi. Toute chose belle et bonne est alors comme une injure. »

Faire du mal à autrui, c’est en recevoir quelque chose. Quoi ? qu’a-t-on gagné (et qu’il faudra repayer) quand on a fait du mal ? On s’est accru. On est étendu. On a comblé un vide en soi en le créant chez autrui.
Pouvoir faire impunément du mal à autrui - par exemple passer sa colère sur un inférieur et qu’il soit forcé de se taire - c’est s’épargner une dépense d’énergie, dépense que l’autre doit assumer. De même pour la satisfaction illégitime d’un désir quelconque. L’énergie qu’on économise ainsi est aussitôt dégradée.

Pardonner. On ne peut pas. Quand quelqu’un nous a fait du mal il se crée en nous des réaction. Le désir de la vengeance est un désir d’équilibre essentiel. Chercher l’équilibre sur un autre plan. Il faut aller par soi-même jusqu’à cette limite. Là on touche le vide. (Aide-toi, le ciel t’aidera...)

Sans pardon pas de guérison.

Maux de tête. A tel moment : moindre douleur en la projetant dans l’univers, mais univers altéré ; douleur plus vive, une fois ramenée à son lieu, mais quelque chose en moi ne souffre pas et reste en contact avec un univers non altéré. Agir de même avec les passions. les faire descendre, les ramener à un point, et s’en désintéresser. Traiter ainsi notamment toutes les douleurs. les empêcher d’approcher les choses.

La recherche de l’équilibre est mauvaise parce qu’elle est imaginaire. la vengeance. même si en fait on tue ou torture son ennemi c’est, en un sens, imaginaire.

l’homme qui vivait pour sa cité, sa famille, ses amis, pour s’enrichir, pour accroître sa situation sociale, etc.- une guerre, et on l’emmène comme esclave, et dès lors, pour toujours, il doit s’épuiser jusqu’à l’extrême limite de ses forces, simplement pour exister.
Cela est affreux, impossible, et c’est pourquoi il ne se présente pas devant lui de fin si misérable qu’il ne s’y accroche, ne serait-ce que de faire punir l’esclave qui travaille à ses côtés. il n’a plus le choix des fins. N’importe laquelle est comme une branche pour qui se noie.


Ceux dont on avait détruit la cité [1] et qu’on emmenait en esclavage n’avaient plus ni passé ni avenir : de quel objet pouvaient-ils emplir leur pensée ? De mensonges et des plus infimes, des plus pitoyables convoitises, prêts peut-être davantage à risquer la crucifixion pour voler un poulet qu’auparavant la mort dans le combat pour défendre leur ville. Sûrement même, ou bien ces supplices affreux n’auraient pas été nécessaires.
Ou bien il fallait pouvoir supporter le vide dans la pensée.

Le mal est une souffrance injuste. Toute souffrance n’est pas injuste. Une souffrance peut-être acceptée pour un plus grand bien (examens médicaux, recherche de la vérité..). Une souffrance peut être "méritée" (privation de liberté du délinquant, désirs ne pouvant être comblés).

D’où vient la souffrance ?
De nos conditionnements :
“Le propos du Dharma n’est pas de rejeter le monde, ni de cesser d’y agir comme d’aucuns le croient à tort, mais de percer à jour la réalité ultime et d’y libérer tous les conditionnements, sources de souffrance.” [2]

La souffrance est alimentée, entretenue ou accrue par la rumination mentale. Souffrir, c’est aussi penser que l’on souffre. Et alors on souffre plus encore. [3]

Voir savoir dire non 5°


[1Cela m’évoque les jeunes des banlieues

[2Philippe CORNU Études sept 2016

[3Taïsen Deshimaru.