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La décroissance ou la mort de la planète ! [version 1.15 du 23/06/2008][Ancienne version 1.10 du 22/06/2008]
jeudi 8 mai 2008, par
Nous allons vers la catastrophe. En tout cas il faut faire comme si...
J’ai recopié in extenso [1] un article de Nicola Ridoux publié dans le Journal de la Décroissance de mai 2008.
Celui-ci est une très bonne synthèse des problèmes actuels au niveau de la planète et fait écho à plusieurs articles de mon site.
Traiter de manière conjoncturelle la crise écologique, en y apportant des solutions souvent techniques, empêche de comprendre l’ensemble de la crise de civilisation que nous traversons.
Les lecteurs de ce journal connaissent bien les crises, actuelles ou à venir, que nous tentons de réduire ou de prévenir. Rappelons-en brièvement quelques-unes pour les lecteurs qui n’auraient pas tout suivi depuis le début, même si une telle énumération [2] n’est pas vraiment réjouissante.
- Sur le plan de l’environnement :
- réchauffement climatique,
- épuisement des ressources (ressources fossiles, stress en eau potable, en terre arables...),
- épuisement de la biodiversité
- explosion de la quantité des déchets produits,
- etc.
- Socialement :
- une baisse du collectif,
- une individualisation encouragée par la compétition de tous contre tous,
- la montée de l’exclusion (au Nord comme au Sud),
- etc.
- Sur le plan de la justice sociale :
- l’utilisation de 80% des richesses par 20% des personnes sur la planète,
- une augmentation des inégalités entre les nations et au sein de celles-ci,
- etc.
- En santé publique [3] :
- aux États Unis par exemple, l’épidémie d’obésité (due à la "junkfood" et à la sédentarité est en train d’infléchir la courbe de l’espérance de vie.
- En France, une augmentation nette des cancers de 35% en 30 ans, l’INSERM précisant que plus de 50% des cancers sont d’origine environnementales,
- etc
- Individuellement,
- une vie qui devient plus prosaïque que poétique à force de "travailler plus pour gagner plus",
- une joie de vivre qui semble en baisse (augmentation des suicides, des prises d’antidépresseurs, etc.) et qui, en tout état de cause, n’est absolument pas corrélée à la croissance économique...
On pourrait poursuivre assez longtemps ce type d’inventaire.
La raison pour laquelle j’ai listé ces crises, en les juxtaposant volontairement, est qu’elles sont très souvent traitées indépendamment les unes des autres. Elles touchent en effet des secteurs de la connaissance qui sont très divers, et il est très difficile d’être compétent sur chacun de ces sujets. mais par ce traitement séparé des problèmes, on considère implicitement que l’on est face à une difficulté isolée, conjoncturelle, momentanée, bref un dysfonctionnement technique temporel. le risque est de croire qu’il suffirait alors d’être dans la gestion de crise, d’appliquer des remèdes "appropriés", souvent techniques, simplement pour "passer le cap". La plupart des discussions, analyses, articles, s’arrêtent à ce niveau. En pratique c’est un niveau nécessaire, bien entendu, mais insuffisant.
Quelques exemples d’approches conjoncturelles :
1) - face à la déplétion des hydrocarbures et grâce à l’augmentation des prix du pétrole, développer des technologies d’extraction et de raffinage de gisements non rentables précédemment (schistes bitumineux par exemple), sans s’interroger sur les conséquences de la combustion de ces carburants en termes de réchauffement climatique et encore plus fondamentalement sans s’interroger, à la racine, sur la pertinence de l’augmentation des kilomètres parcourus et la demande sans cesse croissante de mobilité.
2) - Construire toujours plus de parkings en ville, augmenter la taille des routes, voir rajouter des autoroutes, sans penser à un nouvel urbanisme rapprochant les distances domicile/travail et limitant les demandes de déplacements.
3) - Apporter une réponse trop souvent et trop exclusivement médicamenteuse à une détresse psychologique, un stress chronique (réponse par les psychotropes : très bon pour le PIB, mais moins bon pour votre santé), sans s’interroger sur les causes premières de ceux-ci. Au moment où sort le rapport au ministre du travail sur le stress professionnel, peut-on encore faire abstractions des cadences et des objectifs toujours croissants demandés aux salariés ?
4) - Face aux crises environnementales, promouvoir l’écologie réparatrice de M. Allègre, la croissance dite "verte", sans travailler directement sur l’origine des nuisances.
Un traitement localisé n’est pas, à mon sens, à la hauteur des crises et ne ferait au mieux que les repousser. Par ces traitements conjoncturels, morcelés, on ne remet jamais en cause les fondements productivistes de notre société et on ne pose pas la (ou les) question(s) anthropologique(s) qui est (sont) à sa source.
Négation de la finitude
Mon sentiment est, au contraire, que toute ces crises font "systèmes" : elles ne sont pas indépendantes les unes des autres mais sont différentes manifestations d’une même cause -la volonté de puissance, la démesure, la négation de la finitude, que l’on trouve dans les institutions, les macrosystèmes techniques, mais aussi, et peut-être surtout (en tant que fait générateur), au sein de chacun de nous.
La négation de la finitude, c’est vouloir se préserver de la mort, pourtant inéluctable, d’où une infinité des désirs. il appartient aux objecteurs de croissance de montrer qu’il est possible de réorienter ces désirs vers un progrès "en humanité" et non vers l’accumulation croissante de biens matériels voire immatériels. Être plutôt qu’avoir. Être dans la vie toujours changeante, dans le flux plutôt que dans l’appropriation, la captation (ce qui est fort difficile en pratique, vu notre conditionnement d’homo œconomicus du XXI siècle en France, et nécessite un important travail sur soi). privilégier les liens, les relations entre les personnes, sur les biens.
Notre civilisation me semble donc bien confrontée, avec acuité, à un problème "structurel", qui nécessite une réflexion radicale (au sens de prise du problème "à la racine", à sa source). il est nécessaire de reconsidérer, d’expliciter les valeurs fondamentales qui guident notre action d’objection de croissance, puis de s’appuyer sur ces valeurs d’humanisation afin de concevoir de nouveaux indicateurs de performance [4].
Les crises sont nombreuses et complexes, elles interagissent dangereusement, mais elles peuvent être également l’occasion, c’est en tout cas l’espérance des objecteurs de croissance, d’un changement radical de nos modes de vie (et non d’adaptation du système à la marge), pour remplacer la démesure et la volonté de puissance par la sobriété et le partage comme choix éthiques et conditions d’une vie plus heureuse pour tous.
l’ASPO avait raison, contre tout le monde, plusieurs années à l’avance. ils avaient prévu le pic d’extraction mondiale du pétrole en 2008 : "l’offre du pétrole ne pourra répondre à une demande croissante. le prix de l’or noir va alors s’envoler" Il s’agit d’un article du journal la décroissance de décembre 2004 !
Dans l’introduction à l’article il était écrit : « le carburant irremplaçable de la société de consommation viendra à manquer avec le risque de précipiter le monde occidental dans le chaos. serons-nous assez intelligents pour anticiper le choc ? »
Evidemment le titre est à prendre au 3° degré.
Alain Gras expliquait dans cet article : « je pense que la crise de l’énergie aura lieu non par manque de pétrole mais par l’augmentation du prix du baril. début septembre [5] le prix du baril atteignait le palier de 40$, fin septembre il a dépassé les 50$. même s’il a rebaissé depuis, à ce rythme-là on arrivera vit au palier de 70-80 $ considéré comme un point crucial pour l’économie néo-libérale, et un point de non retour. Or toute l’infrastructure de la mondialisation est fondée sur le pétrole, grâce aux transports bon marché. »
Deux dessins sublimes car très démonstratifs extraits du journal la décroissance. A voir côte à côte et en grand : pour agrandir l’image sur la décroissance cliquer ici
l’image sur le développement cliquer ici. Doit apparaître une petite loupe sur l’image...
[1] sauf toutes les notes de l’auteur. Les notes de cet article sont donc de moi (sauf une), et j’ai refait la mise en forme.
[2] Il y a probablement, dans une telle énumération, des critiques à faire, et des choses importantes oubliées, en particulier en ce qui concerne la santé publique....
[3] comme je le disais précédemment, j’aurais fait une liste différente et bien plus longue
[4] Note de l’auteur de l’article : Pour ceux des indicateurs que l’on souhaite conserver. En effet, tout n’est pas quantifiable..
[5] 2004 donc..
Vos commentaires
1. Le 17 juin 2010 à 21:26, par jeuf En réponse à : La décroissance ou la mort ?
La "fin du monde", disons la désorganisation rapide de l’économie du fait de la déplétion du pétrole, je l’imaginais, la concevais depuis 2002 environ. 8 ans après, le monde économique me semble toujours aussi bien en place, cette fin se fait attendre...je me dis alors que ça ne viendra pas.
Comme l’écrivait un copain (sur un site disparu) :
"S’il est bien entendu que l’on peut déduire toutes sortes de catastrophes [fins catastrophiques] possibles du déferlement technique ininterrompu depuis deux siècles, le pire sera [serait ?] sans doute qu’il ne se passe rien à l’avenir,
rien d’autre qu’une lente et interminable agonie de ce qui reste d’humain encore logé au coeur de la mégamachine
économique. Rien, pas même une catastrophe."
Le 17 juin 2010 à 22:11, par omedoc En réponse à : La décroissance ou la mort ?
!!!
Pas d’accord... la situation se dégrade de plus en plus rapidement.
La situation s’est dégradé depuis 8 ans. Prix du pétrole , des matières premières, chômage, recul des avancées sociales, disparition des espèces, pollution, peur de l’avenir, perte des valeurs, souffrance au travail... etc etc...