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Causalité, pseudosyllogismes [Version 0.32 du 29/11/2008][Version 0.25 du 27/11/2008]

samedi 22 novembre 2008, par omedoc

— X est un bon médecin !
— Pourquoi ?
— Parce qu’il a beaucoup de monde (dans la salle d’attente).

— je crois au traitement par le magnétisme !
— Pourquoi ?
— Parce qu’un guérisseur m’a guéri du zona.

Il s’agit d’arguments totalement faux. Ils sont très fréquents. Ce sont des pseudosyllogismes.

Ils sont cachés et les plus grands intellectuels y succombent :
[Propos d’Averroès, au sujet de certaines prières]« Si une prière est non obligatoire, alors elle peut se faire sur le dos d’une monture ; or la prière impaire peut se faire sur le dos d’une monture ; donc la prière "impaire" est une prière non obligatoire » [1]

La fausseté du raisonnement est évidente dans certains cas (quoique !).
— Je dois avoir un cancer !
— Pourquoi ?
— Parce que je suis fatigué.

Peut-être sous cette forme : « Tout les malades qui ont une maladie grave (par exemple un cancer) sont fatigués, or je suis fatigué, donc j’ai un cancer ».

En fait il n’est jamais ainsi développé. Il est au contraire très souvent concentré et donc allusif : « évidemment je prend des médicaments pour la douleur » [2] . Pourquoi le mot "évidemment" ? Il s’agit du raisonnement caché suivant : Tous les malades qui ont (réellement) des douleurs prennent des antalgiques, or je prend des antalgiques, donc, cela prouve bien que j’ai réellement mal. Je reviendrai sur cet exemple.

Il est étonnant que ce faux argument, si généralisé [3], ne soit pas plus étudié, et qu’aucune mise en garde ne soit faite. Ce type d’argument devrait être étudié à la FAC de médecine.

En médecine les pseudosyllogismes concernent en particulier :
 L’analyse du discours du patient.
 Le diagnostic avec la confusion entre la notion de sensibilité et de valeur prédictive positive.
 Les déductions faites par le médecin à partir de sa seule expérience thérapeutique ou clinique.

En fait les pseudosyllogismes concernent toute la médecine en tant que science inductive qui essaye de remonter de l’individu au cas général pour pouvoir décider (par déduction) sur le cas particulier.

Le modèle mathématique est le suivant :
 Pour le syllogisme : l’affirmation P est vraie, l’affirmation P entraîne Q est vraie, donc l’affirmation Q est vraie. En simplifiant : P est vrai, or P=>Q donc Q est vrai. Le syllogisme est valide.
 Le pseudosyllogisme lui n’est pas valide : P=>Q est vraie, Q est vraie, donc P est vraie.

Le pseudosyllogisme peut-être faux pour 3 raisons :
 Soit on affirme Q vraie alors que Q faux
 Soit on affirme P=> Q alors que c’est faux
 Le syllogisme est en soi faux.

L’affirmation Q pose déjà problème.
 Dans : « c’est un bon médecin car il est "surbooké" » [4], ce qui est affirmé c’est qu’il a une grosse clientèle, or ceci est parfois inféré du seul fait que sa salle d’attente est toujours pleine. L’affirmation initiale Q reste donc à démontrer.
 Le deuxième problème possible est un problème de définition des termes de Q. A partir de quand peut-on parler de grosse clientèle ?

C’est surtout l’affirmation P=>Q qui est souvent problématique :
 Il existe en général entre P et Q une cascade d’implications : P => P1 => P2 => P3 => Q : c’est un bon médecin, donc il a de la renommée, donc il a une grosse clientèle, donc sa salle d’attente est pleine. Or l’implication tout bon médecin a de la renommée est sujette à caution [5].
 Il peut aussi se faire qu’il faut qu’on ait "besoin" de P1 et P2 et P3 à la fois pour avoir Q. Soit en langage mathématique : P1 et P2 et P3 => Q. C’est à dire qu’il faut les trois facteurs présents pour avoir Q. Un seul n’entraîne pas Q. C’est le cas en toxicologie : certaines molécules ne sont pas toxiques (à une dose déterminée) si elles interviennent seules. Par contre leur effet se cumule et devient toxique. C’est une erreur d’inférer P1 seulement. L’épicondylite résulte de gestes répétitifs au travail et de tendons fragiles. Le lumbago résulte d’un effort important chez une personne peu musclée. On a tendance à oublier le terme qui nous dérange. Voir exemple sur l’absentéisme (à écrire). Déduire seulement P1 de Q est donc faux pour deux raisons : pseudosyllogisme et c’est P1 + P2 + P3 et non P1 seul qui est le facteur causal.
 La troisième raison possible est que ce ne soit pas une implication, mais une corrélation.

Donc dire : c’est un bon médecin car il est "surbooké" est faux pour trois raisons.
1) Le fait qu’il ait une grosse clientèle n’est pas démontrée (si le seul argument est le nombre de personnes dans la salle d’attente)
2) L’implication bon médecin => médecin renommé n’est pas démontrée.
3) De P=>Q on ne peut déduire que si Q est vraie alors P est vraie.

Comment rendre valide un pseudosyllogisme ?

Première possibilité.
En disant : « une des hypothèses expliquant Q est P », au lieu de « P est vraie ». Au lieu de dire, « il y a beaucoup d’absentéisme car le travail est difficile », il faut dire, « une des hypothèses pour expliquer l’absentéisme est que le travail est difficile » (les autres étant un problème de management, des travailleurs particulièrement fainéants...)

Deuxième possibilité.
Il faut, évidemment que la condition P soit nécessaire et suffisante : P doit être la seule cause possible de Q. En médecine il faut que le signe soit pathognomonique.

Troisième possibilité.
Enfin, Si [P=>Q] alors [non P => non Q]. On peut donc déduire que si toute maladie grave entraîne une altération de l’état général, alors tout patient dont l’état général est normal n’a pas de maladie grave.

Quatrième possibilité :
Multiplier les pseudosyllogismes pour la même affirmation à démontrer.
Si on : a P=> Q1, P => Q2, P => Q3, alors on peut inférer parfois logiquement P de "Q1 + Q2 + Q3".
Exemple pour le HLA B27 et la SPA [6] : ce test est très sensible mais peu spécifique, il n’est donc pas légitime de diagnostiquer une SPA sur la seule positivité du HLA B 27. par contre si on rajoute d’autres critères on augmente la probabilité de la maladie. C’est le rôle des grilles de diagnostic (critères d’AMOR, critères de l’ESSG)
Voirce site :
«  L’intérêt diagnostique de la recherche du HLA-B27 est discuté : la recherche de critères diagnostiques et d’antécédents familiaux permet souvent de poser le diagnostic de SpA. Dans une SPA certaine, la recherche du B27 est inutile.
En revanche, dans certains cas douteux (tableau clinique évocateur mais ne permettant pas d’être affirmatif), on peut demander ce typage :
absent, il ne permet pas d’écarter le diagnostic (10 % d’authentiques SPA sont B27 négatif) ; positif, il peut conforter un cas clinique douteux mais en aucun cas il ne signe la maladie (97 % des B27 n’ont jamais de SpA).
En effet, 7 à 8 % des sujets caucasiens sont HLA-B27 positifs, ce qui diminue beaucoup la spécificité de ce test.
 »

LA SUITE EN COURS D’ECRITURE

Analyses

Causalité et corrélation.

Ne pas confondre corrélation et causalité

Voir cet article


Fausse équivalence

A propos de la notion légale de "particulièrement coûteux" qui est une condition d’attribution de l’exonération du ticket modérateur pour certaines affection. La question posée au médecin était : l’affection est-elle particulièrement coüteuse ?

Moi : « Je ne poserai pas cette question car je ne saurais y répondre moi-même. » [7]

Lui : cette objection est elle pertinente ? cela m’interroge !!! car ne devrait on poser des questions que si on a déjà la réponse ??!!/

"Lui" fait une erreur de logique mathématique. [8]

J’ai dit [P => Q] avec P = je ne sais pas répondre à la question et Q = je ne pose pas la question.

Lui a répondu que c’était équivalent à :
[nonP => non Q] avec non P = je sais répondre à la question et non Q = je pose la question
Ce qui est mathématiquement faux.
[P => Q] est en fait équivalent à [non Q => non P]

Déduction/ induction.

Sensibilité et valeur prédictive positive.

La sensibilité est la probabilité qu’un test soit positif (T+) en cas de maladie (M+). Pour le HLA B27 la sensibilité est d’environ 80% . On a donc M+ => T+ (dans 80% des cas). On ne peut en déduire, sauf à faire un pseudosyllogisme, que T+ => M+ (dans 80% des cas !).

La spécificité est la probabilité que le test soit normal/négatif en cas d’absence de maladie (M-). Un test spécifique à 80%peut être modélisé ainsi:M- => T- (dans 80% des cas). On peut déduire T+ => M+ [9]). C’est la valeur prédictive positive du test. La valeur prédictive du test est essentiellement liée à la spécificité du test. Pour la SPA la spécificité du test HLA B 27 est insuffisante et la valeur prédictive positive n’est donc que de 3% [10] (97% des HLA B 27 n’ont pas de SPA).

Discours des patients.

On peut avoir P1 ou P2 ou P3 => Q.
La guérison suite à un traitement peut-être dû soit à ce traitement lui même, soit à l’effet placebo qui est lié, soit à l’évolution naturelle de la maladie. Dire j’ai été guéri par ce traitement donc il est efficace est un pseudo syllogisme.

Discours des médecins.

Discours sur la fraude

Discours sur l’évaluation et les profils de prescription.

Argumentation du médecin conseil

Voir cet article consacré à ce chapitre

Le médecin conseil va essayer, à partir de l’interrogatoire et de l’examen remonter à la capacité fonctionnelle réelle de la personne. Le pseudo syllogisme est à la base de son avis. Une personne pleure, il peut s’agir de larmes réelles ou de "larmes de crocodiles". Une personne se plaint de fatigue ou de douleur, a l’aspect, au comportement on croit déduire la réalité. Il faut donc multiplier les pseudosyllogismes (voir ci-dessus).
Comparer deux traumatismes de l’épaule avec persistance d’une impotence fonctionnelle douloureuse quasi équivalente sur certains points.

personne A majorant son impotence personne B minorant son impotence commentaires
chute en arrière sur l’épaule (s’est parée avec le bras) Chute d’un échafaudage de 3 m sur l’épaule chute sur herbe. ciment ?. La chute en arrière est "suspecte"
A pu continuer de travailler("avec difficultés"). Consultation le jour même aux urgences Perte de connaissance, transport à l’hôpital Doute sur la perte de connaissance
Radio grill costal + poignet + coude + avant bras radio de l’épaule beaucoup de radios/peu de radios [11]
trois mois après persistance de l’impotence fonctionnelle douloureuse idem risque de pseudosyllogisme : même plainte correspondant à deux réalités différentes
Pas de conséquence sur le travail ("malgré la douleur") Ne fait pas certaines choses dans son travail Conséquences professionnelles différentes [12]
Douleurs barométriques, variables Pas de douleur barométrique spontanément exxprimée
Mobilité de l’épaule très diminuée Mobilité légèrement diminuée La diminution de la mobilité n’est pas un bon signe d’organicité
Pas de lésion objectivée Lésion de l’acromioclaviculaire. Tuméfaction séquellaire

Pour pouvoir bien juger on ne peut que multiplier les pseudosyllogismes et/ou entre deux hypothèses évaluer celle qui explique le mieux l’histoire clinique.


VERSIONS :
Version 0.30 : la corrélation fait l’objet d’un article à part. Ajout de la "fausse équivalence"
Version 0.25 : argumentation du médecin conseil.
Version 0.20 : divers ajouts et changements
Version 0.10 du 25/11/2008 : Ajout 4° possibilité d’utilisation du pseudosyllogisme, corrélation et causalité, sensibilité et VPP.


[1Averroès. Cité dans le livre de Dominique Urvoy : "Averroès. les ambitions d’un intellectuel musulman

[2paroles d’une patiente qui somatise et veut "montrer" au médecin qu’elle souffre réellement

[3Ne serait-il pas consubstantiel au cerveau humain ?

[6Spondylarthrite ankylosante

[7c’est à dire que je ne sais pas à partir de quel montant on peut parler de soins particulièrement coûteux, ceci n’ayant pas été défini dans un décret.

[8Pourtant ma remarque était évidente. Pourquoi lui à "contre argumenté" contre l’évidence ?

[9Mathématiquement [P => Q] <=> [non Q =>non P] (dans 80% des cas[[ en fait il s’agit d’une approximation

[10A vérifier

[11Interne, j’avais reçu sur une civière un accidenté de la route, il se plaignait de partout et ne pouvait bouger. Il a eu des radios de tout le corps. Rien n’ayant été trouvé, il est reparti, tout souriant, sur ses pieds. Inversement une personne très agitée se plaignait de douleurs intenses dans tous le corps. A priori tout le monde pariait pour un trouble psychologique. En fait il s’agissait d’une personne atteinte de cancer prostatique avec métastases osseuse expliquant les douleurs. le traitement a eu un effet immédiat sur la douleur.

[12Voir la notion d’incidence professionnelle