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Arrêt de travail abusif ? Classification ? [version 0.10 du 23/07/2008][Ancienne version 0.01 du 22/04/2008]

mardi 22 avril 2008, par omedoc

Je vais essayer de classer les différents "abus" possibles en arrêt de travail.

Lorsque les médias, les hommes politiques, les employeurs, les gens en général se plaignent des arrêts de travail abusifs, ils parlent en fait de cas très différents, certains abusifs, et d’autres pas du tout. Ils dénoncent à la fois la fraude organisée, le manque de volonté de certains travailleurs, la perte des valeurs morales, l’irresponsabilité, la multiplication abusive (en prenant le parti de l’employeur) des conflits au travail ... Au fond, ils ne savent pas de quoi ils parlent. Vu qu’il n’ont pas réfléchi à la question, ils jugent de façon superficielles, à partir d’a priori, et voient des arrêts abusifs partout.

Dans cet article je vais lister les différents cas qui peuvent amener certains à parler d’abus. A l’analyse on pourra s’apercevoir que c’est rarement le cas.

Il serait nécessaire d’abord de distinguer la fraude et l’abus. la fraude est légalement répréhensible, l’abus ne l’est pas même s’il est médicalement injustifié. Voir cependant la définition ci-dessous.

D’abord il y a les cas de fraudes "organisées" :
 Faux bulletins de salaires permettant de toucher des indemnités journalières.
 Entente entre l’employeur et le salarié pour passer une période où il y a peu de travail.
[A propos de la fraude]« L’Office européen de lutte contre les fraudes les définit ainsi : ?Acte intentionnel de la part d’un ou plusieurs individus qui sont impliqués dans l’usage de pratiques visant à obtenir un avantage injustifié ou illégal. » La fraude est donc très différente des problèmes de déclarations erronées ou tardives.
Elle concerne aussi bien les assurés que les professionnels de santé ou les employeurs. De la part des assurés, il s’agit par exemple de la non-déclaration de l’intégralité des ressources (pour des prestations justement versées sous condition de ressources) ou de la falsification d’arrêt de travail. De la part des professionnels de santé, la fraude peut se présenter sous la forme d’actes fictifs (facturés mais jamais réalisés) ou d’abus de cotation depuis que le remboursement se fait sur la tarification à l’acte. En ce qui concerne les employeurs, les sur-déclarations de salaires constituent une fraude courante.?
 » [1]

Il s’agit bien de fraudes. Quel en est l’importance ?

Il y a ensuite les cas de fraudes manifestes :
 La personne demande un arrêt de travail, alors qu’elle n’est pas malade, pour pouvoir faire une autre activité : faire les foins, batir sa maison, participer à une compétition sportive.
 La personne demande un arrêt de travail, alors qu’elle n’est pas malade (ou peu malade), pour profiter au maximum d’un revenu sans avoir à travailler, et alors qu’il n’y a pas de problème particulier au travail. C’est le cas de la personne qui déménage pour des raisons extra professionnelles et retarde au maximum sa date de démission.
Il s’agit bien de fraudes. Quel en est l’importance ?

Plus fréquemment l’opinion commune fait référence à des éléments "suspects" pour elle :
 Conflit au travail
 Travail pénible, usure au travail.
 Problèmes sociaux.
 La personne est vue en train de bricoler, voyager, aller à la plage, pratiquer certains loisirs.
 La personne a été vue en train de conduire, faire ses achats...
 La personne ne semble pas malade.
 La personne est peu active pour se soigner.
 

C’est dans ces cas, les plus fréquents ou l’opinion commune se trompe en général.
Pour elle la notion d’abus est prise au sens très large (et très faux) de différence entre ce qui devrait être prescrit du point de vue de la vérité médicale [2] et ce qui est réellement prescrit. Il ne s’agit pas le plus souvent d’abus, mais c’est vécu comme tel par tout ceux qui n’ont pas réellement réfléchi à la question [3] . Sur cet aspect voir ma modélisation de la classification des abus.

Définition logique de l’arrêt de travail abusif : Arrêt de travail chez un travailleur non malade ou avec une impotence fonctionnelle minime ne justifiant pas le repos. De plus le travailleur est conscient qu ?il pourrait travailler. [4]

Le travailleur ment donc (parfois non !) aux médecins pour pouvoir obtenir ce qu’il veut. Il est à noter que dans ce cas le travailleur ne prendra pas les médicaments s’ils sont prescrits. Il évitera les examens complémentaires, les consultations spécialisées, et tout bilan ou traitement douloureux. Le patient simule la douleur, la dépression ou la fatigue. En général le médecin n’est pas dupe, mais l’erreur est toujours possible, et ce d’autant plus que :
 la personne est prête à tout pour ne pas travailler. Il existe probablement des cas où la personne ira jusqu’au bout de sa logique, un peu à l’image des conscrits qui se rendaient malades pour ne pas faire le service militaire.
 Sauf amoralisme (pathologique ou non), cette situation entraîne une culpabilité chez le faux malade. Et donc, pour corser le tout, cette culpabilité peut en elle même se traduire par un mal être trompeur.

La seule façon d’être certain de l’abus est d’obtenir l’aveu de la personne ou de la surprendre en train de faire des choses qu’elle dit ne pas pouvoir faire.
Dans la mesure où il y a un caractère volontaire dans l’abus, ne s’agit-il pas en fait de fraude ? (voir déf ci-dessus)

Lorsqu’un arrêt de travail est prescrit chez un travailleur qui qui estime sincèrement qu ?il ne peut travailler, peut-on parler d’abus ? même s’il se ment à lui-même, même si la "vérité" est qu’il pourrait continuer à travailler. [5]

Le travailleur se plaint de symptômes - pouvant correspondre soit à une maladie organique réelle soit à une origine psychologique, soit les deux - qui réduisent sa capacité de travail. Il peut se tromper sur l’intensité des symptômes et sur la réduction de sa capacité de travail. Mais il s’agit d’une erreur et non d’un mensonge.
Il faut différencier la vérité logique qui est la vérité pour autant que nous la connaissions, et la vérité morale, c’est à dire la vérité correspondant à ce que nous croyons vrai. Le mensonge concerne cette dernière notion ; ?ce n’est pas que le dupé ait une fausse idée de la réalité, mais c’est que le dupé soit trompé sur l’opinion du menteur ?. [6]
Dans ce cas il peut y avoir aussi une forte culpabilité qui aggrave le retentissement psychologique.
En général la personne prendra ses médicaments, et fera tout ce que lui demandera de faire le médecin, même si c’est douloureux.

Cas particulier des conflits au travail.
Les médecins sont très dérangés de devoir prescrire un arrêt de travail dans ce cas. Ils ressentent une pression de la part de leur patient. Certains ont tendance à prendre parti pour l’un ou l’autre camps. Surtout, ils estiment que ce n’est pas un problème médical. En effet il n’y a pas au départ de cause médicale, de plus le traitement n’est pas médical (d’ailleurs les médicaments sont totalement inefficaces, en particuliers les antidépresseurs) mais il est de changer d’employeur.
Cependant les conséquences médicales peuvent être très importantes puisqu’elles peuvent aller jusqu’au suicide. Il s’agit donc de prescrire l’arrêt de travail, non pas en fonction de savoir qui à raison entre l’employeur et le salarié, ni en fonction du traitement, mais en fonction de l’importance du retentissement psychologique.

Arrêt de travail comme technique de revendication

Le quotidien du médecin :

Voir aussiici ou ici

Cas particulier de la personne qui ne semble pas malade.
Seul un médecin, après un interrogatoire et le cas échéants des examens peut diagnostiquer une maladie. Les gens se trompent lorsqu’ils pensent faire un diagnostic sur la mine. Même les médecins peuvent se tromper. Il est arrivé qu’un travailleur apparemment non malade soit très profondément déprimé. Il arrive très fréquemment que les gens se suicident alors que rien ne le laissait prévoir.
Par ailleurs ce n’est pas parce que la personne à une activité et même des loisirs pendant son arrêt de travail qu’elle peut travailler. Voir mon article sur le sujet.


[1Journal le Progrès du 22/07/2008

[2notion à bien préciser

[3essentiellement ceux qui nous gouvernent, les employeurs, les médias, et une grande part de l’opinion publique

[4L’article R 5121-153 du code de la santé définit l’abus de médicaments comme un usage excessif intentionnel. Il définit le mésusage comme une utilisation non conforme au RCP (Résumé des Caractéristiques du Produit

[5En ce qui concerne les médicaments on parle de mésusage (voir note ci dessous)

[6Sylvie fainzang La relation médecins-malades : information et mensonge.