Accueil > ARTICLES "TECHNIQUES" CONCERNANT LA BRANCHE MALADIE DE LA SECURITE SOCIALE (...) > Le travail : arrêt de travail, invalidité, accident du travail, maladie (...) > Arrêt de travail. > Arrêt de travail : prescription par le médecin. > "L’arrêt de travail" est-il un problème de volonté ? Que faire ? [Version (...)

"L’arrêt de travail" est-il un problème de volonté ? Que faire ? [Version 1.24 du 28/02/2009][Ancienne version 1.22 du 07/01/2009]

mercredi 5 septembre 2007, par omedoc

RESERVE AUX MEDECINS

A propos des arrêts de travail on évoque souvent un manque de volonté (... à aller travailler) pour culpabiliser les gens. Il n’empêche que la question est légitime même si l’intention est suspecte.

Je vais argumenter l’hypothèse suivante : avant d’être un problème de volonté, le sentiment de ne pas pouvoir assumer la charge de travail est un problème de motivation. Ceci explique en parti le fait que pour la même maladie certains travailleurs seront en arrêt et d’autres non.

Voir aussi cette rubrique

Sur la volonté voir cette rubrique

On parle de mauvaise qualité lorsqu’il y a un écart entre ce qui est et ce qui devrait être. Lorsque l’écart est coûteux on parle de gaspillage. Trois raisons expliquent l’écart entre ce qui est prescrit et ce qui devrait être prescrit comme arrêt de travail : La fraude, la mauvaise volonté à travailler, une prise en charge médicale non optimale.
 La fraude c’est quand il existe un bénéfice à l’arrêt de travail : pouvoir faire sa maison, participer à une compétition sportive (tout s’est vu)
 Le manque de volonté c’est quand il n’y a pas de bénéfice en dehors de se soustraire à un travail vécu comme douloureux
 Une prise en charge médicale non optimale c’est quand une autre prise en charge aurait permis une reprise du travail plus rapide.

En fait, nous le verrons plus bas, il faudrait parler plutôt du couple volonté-motivation

Oui, C’est un problème de volonté

D’un travailleur rendant compte d’une consultation chez son médecin traitant :

je me sens incapable de reprendre le travail physiquement , et j’ai bien appuyé sur le fait que, ce n est pas parce que je ne VEUX pas mais c’est parce je ne PEUX pas...

C’est le bon sens qui dit ça [1]. Il faut donc s’en méfier. Pourtant, si on analyse, il a peut être raison : il y a beaucoup de faits en sa faveur....

Ceci expliquerait qu’il n’existe aucune mesure objective possible de la capacité de travail : comment évaluer la volonté ?

les faits :

Pour la même pathologie et la même profession, une personne se mettra en arrêt et pas l’autre, en dehors de tout abus manifeste.

Quelques patients mis en invalidité, au départ à raison, se remettent à travailler du fait de problèmes financiers que cela entraîne [2] .

Il arrive que certains travailleurs de force déclarés inaptes par le médecin du travail et qui ne savent faire que ça reprennent leur ancien travail en cachant leur inaptitude antérieure.

J’ai examiné deux assurés sous chimiothérapie (cancer), n’ayant pas arrêté leur travail : l’un prenant sur ses congés le jour de la chimio ! l’autre se faisant prescrire un arrêt mais non indemnisé (vu les 3 jours de carence).

Voir cette histoire vécue de jaddo

Il y a le cas d’Alain Robert qui s’amuse à grimper les façades des grands immeubles depuis plusieurs années, et qui a d’ailleurs refait parlé de lui récemment. J’ai un ancien article de Paris Match le concernant qui précise, avec photos de fractures ostéosynthésées à l’appui, qu’il est "invalide 66%"
Confirmation de cette info dans le Marianne du 18 mars 2008. Il continue à grimper les gratte-ciels. Il aurait le surnom de spider-man et un site internet...

Il y a le cas de Jane Tomlinson, atteinte d’un cancer métastasé, et qui 6 ans après le traitement à fait un périple à vélo de 6760 km à travers les Etats Unis en deux mois.(Le quot du médecin 11/09/06)
Voir son site (le site n’existe plus) :
Elle est décédée le 03/09/07

Chris Klug champion de snowboard 19 mois après une greffe de foie.(Le quot du médecin)

j’ai examiné un maçon qui travaillait avec une PTH. Il en a même cassé sa prothèse ! (je ne savais pas ça possible !). Un autre qui a travaillé jusqu’à la date de son intervention (coiffe des rotateurs).
Encore mieux : un maçon avec deux PTh et une hernie discale opérée à deux reprises !! Il a dû s’arrêter définitivement à la troisième intervention de la CV !!!

Un patient avec une cardiopathie dilatée et une fraction d’éjection à 35% conduisait des bulldozers..

Aux jeux olympiques on voit des amputés courir avec leur prothèse. Avec le même handicap, Gianfranco Corradini (22 ans quand même) a grimpé le mont Presanella de 3558 m. Idem Lionel Daudet (Le Monde juillet 2004)

"Le mercredi 16 septembre, au mont Saint Anne, près de Québec, l’Américaine Lisa Peck, atteinte de sclérose en plaques, participait aux championnats du monde de VTT" (le monde)

"Après un traumatisme comme un suicide dans le métro, 70% des chauffeurs reprennent le travail le lendemain, 20% font l’objet d’un court arrêt de travail, et 10% ont besoin de plus de temps" (Le quot du médecin 30/01/2003)

Il y a aussi les sportifs. Zidane a été opéré du ménisque du genou droit en 99. Six mois après il reprenait l’entraînement.

Autre sportif Tsonga avec unehernie discale

Documentaire passé sur tf1 le 29/02/2008 : Dix personnes souffrant d’un handicap moteur ou sensoriel gravissent le kilimandjaro...

Remarque d’un médecin dans une liste de diffusion : «  ... dans 98 %
des cas nous délivrons des arrêts de travail à des gens dont les troubles ne
nous empêcheraient pas, nous, de travailler....
 ». Il s’agit d’une remarque qu’on entend de temps en temps chez les médecins.. voir article sur la fréquence des arrêts de travail abusifs.

Entendu à la radio  [3], d’un émigré sans papier, manutentionnaire, qui s’est fait opérer d’un ménisque : ?j’ai repris le travail 10 jours après, je souffrais mais je n’ai pas eu le choix... personne ne s’en est aperçu... ?

Alain Bashung s’est efforcé de se produire en spectacle malgré (franco folies) son cancer du poumon.

Un fils de maçon, la trentaine environ, maçon lui même, me disait qu’il ne
pouvait continuer son travail après son intervention de la hernie discale. Il
m’a expliqué cependant que son père avait continué de travailler jusqu’à 60
ans alors qu’il avait eu lui, deux interventions !! Tout peut se voir en médecine...

La théorie :

Par définition la volonté c’est la capacité de résister à la douleur. Dire que l’arrêt de travail est un problème de volonté ce serait dire en fait que pour la même maladie certains, plus résistants, continuent de travailler et d’autres non (les fragiles), l’explication de cette différence pouvant s’appeler volonté (on parle parfois de forte personnalité).

Non ce n’est pas un problème de volonté... mais de motivation....

Ce jour (15/04/2007) j’ai vu des enfants, tout occupés à jouer, se baigner progressivement dans l’eau froide de la mer. Ce n’était pas pour eux un problème de volonté (j’ai vu aussi , des adultes tenter la chose, avec moins de réussite, en essayant de faire preuve de volonté) mais de motivation. Et si c’était le vrai fond des choses : la motivation.

Les artistes, par exemple, vont très loin dans la souffrance. Ancien interview de sylvie Guilhem dans le monde :

 ?Question : « pensez-vous que la souffrance, les douleurs sont indissociables de l’acquisition de votre art ? »

Réponse : « Quand on sait que danser c’est passer de l’autre côté du miroir, on oublie la souffrance parce qu’on oublie tout.... Il s’agit de passion, de dépassement de soi. L’essence de notre métier, c’est : "coûte que coûte je le ferai !" Pour en revenir à la souffrance physique qu’on supporterait davantage, je vous cite un exemple récent qui vient d’arriver au Royal Ballet.. Une jeune danseuse, atteinte d’une fracture de fatigue du métatarse, a signé une décharge pour ne pas être empêchée d’aller en scène. Qu’on arrête de me faire rire. » ?

Une étude le montre :
« A la fin des années 1970, le psychologue Franck Smith a démontré le pouvoir des attitudes au travail sur l’effort ?librement consenti ? dans une étude portant sur trois mille employés... En la circonstance, la probabilité pour qu’un employé vienne travailler malgré un trajet rendu difficile par ces conditions [énorme tempête de neige] était bien plus élevée chez ceux qui étaient satisfaits de leur supérieur et d’autres aspects de leur travail que chez les employés moins satisfaits. » [4]

En fait plus on a de motivation à aller travailler, moins on a besoin de volonté, et inversement. Les exemples du 1° chapitre ne concernent pas des personnes volontaires, mais des personnes motivées.

Voici un exemple de personne volontaire plus que motivée :

Courrier d’une assurée, justifiant de sa bonne volonté
"Je porte à votre connaissance qu’après mon cancer, mal informé des conséquences liées à ma maladie c’est à dire :
 gonflement de mon bras et de ma main suite aux efforts du quotidien
 nécessité de porter un manchon et une main
 douleurs souvent insupportables
 drainages réguliers de mon bras
J’ai refusé l’invalidité qu’on me proposait à l’époque, pensant naïvement pratiquer de nouveau mon métier. J’étais animé d’une solide volonté. mais force est de constater aujourd’hui qu’il n’en est rien et bon nombres de médecins me l’ont confirmé à commencer par mon médecin traitant.
En conséquence, j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir réexaminer mon dossier afin d’accéder à ma demande.
"

La volonté est lié à la notion de devoir. La volonté est un concept moral. C’est bien d’avoir de la volonté. La motivation est du côté du plaisir.

Pourtant comment expliquer que cette personne étiquetée fibromyalgique, qui ne peut faire le ménage chez elle peut travailler comme aide soignante depuis plusieurs années ? Elle exploique : « je sais que mon métier n’est pas facile, mais je l’adore, j’ai toujours voulu être au contact des malades. » Est-ce la bonne explication ?

CONSEQUENCES

1) Cette ambiguïté entre volonté et motivation fait que nous avons tendance à faire la morale aux salariés qui sont en arrêt de travail. Cela évite d’aller au fond des problèmes et de se poser les bonnes questions ; sur la pénibilité du travail par exemple...

2) On ne doit pas cependant nier ce facteur humain et personnel [5] , mais nous devons éviter de juger [6], et nous concentrer sur les autres facteurs explicatifs non médicaux, s’ils existent ; le plus important étant la qualité du travail, et l’ambiance de travail.

3) Il y a une part de volonté, mais celle-ci est d’autant plus nécessaire que le travail est moins motivant. Il est plus intelligent d’essayer de changer (traiter ?) les conditions de travail que la personne [7]...

4) A noter que si la volonté et la motivation ont leur rôle, il devient utopique de chercher des indicateurs permettant d’évaluer la capacité de travail)

5) Une dégradation de la qualité du travail et donc de la satisfaction au travail, conséquence indirecte de la concurrence exacerbée et généralisée, pourrait donc expliquer la croissance des IJ [8] L’économie est devenue un combat [9] et les employeurs (par l’intermédiaire des politiques) forcent les troupes [10] à accepter les sacrifices demandés et donc les mauvaises conditions de travail. Peut-être faut-il en revenir au slogan de 68 : il faut "soigner et non pas réparer" [11]


6) Que demande-t-on aux médecins lorsqu’on les invite à dire non aux demandes d’arrêt de travail ?

 Si l’arrêt de travail est un problème de volonté, alors on demande en fait aux médecins de faire la morale aux patients.
 Si c’est un problème de fraude on demande aux médecins de faire la police, ou en tout cas de ne pas être complice.
 Si c’est un problème médical, on demande aux médecins de "mieux" prescrire.

On ne va pas résoudre un problème médical en faisant la morale ou la police.

On ne va pas résoudre un problème de volonté en suspectant de fraude ou en médicalisant.

On résout les problèmes de fraude par une enquête administrative

On résout un problème de volonté par une amélioration des conditions de travail.

On résout un problème médical par la FMC et la discussion entre pairs...

C’est pour cela que le message doit être que l’arrêt de travail est une prescription médicale comme une autre

7) Pour toutes les pathologies il y a un problème de volonté, pourtant, en cas de pathologie grave (cancer, SEP) la morale et la culpabilisation est impossible. Devoir se justifier et même avoir été convoqué pour un contrôle est vécu comme une agression dans certains cas (dépression suite pendaison d’un membre de la famille). Par contre certaines pathologies aussi graves sont stigmatisées. Pour tout le monde une dépression est a priori suspecte, et ce malgré les suicides nombreux.

8) Lu dans un article du panorama du médecin de 1991(!) sur "l’épicondylite de la femme de ménage" : ?le traitement repose donc d’abord sur le repos, c’est à dire un arrêt de travail de 15 jours ; une semaine est insuffisante... trois seraient idéales, mais difficiles à obtenir chez des patients motivés par le travail quels qu’en soient les raisons. ? Etait-on plus vaillant en 1991 ? En tout cas la suspicion généralisée n’avait pas encore frappée ! Aujourd’hui une telle réflexion serait impossible. Pourquoi ?

9) Dans la même veine, j’ai connu beaucoup de salariés qui partaient plus tôt que prévu à la retraite ou qui déprimaient parce qu’ils ne pouvaient plus faire un travail de qualité. Est-ce qu’en 1991, le travail était plus intéressant, et la convivialité meilleure ?

10) Autre question (sous entendue dans l’article ci dessus ?) une femme de ménage qui "se fait" une épicondylite n’est-elle pas a priori une femme vaillante... les gens qui tombent malades du fait de leur travail sont peut-être ceux qui se sont les plus investis..


Il y a peut être autre chose que la motivation : il y a le sens du travail par rapport à la maladie. Exemple de deux salariés ayant le même type de trouble de la personnalité, l’un travaillera coûte que coûte, l’autre ira vers l’invalidité. Pourquoi ? la seule différence n’est pas dans la volonté mais dans le sens qu’à le travail pour la maladie. Celui qui continuait à travailler (avec difficultés), ne prenait aussi aucun congé.... Il expliquait que c’était pour faire ch... le monde !

Voir cet excellent article dans une revue médical suisse (lien corrigé). il y a un passage sur la volonté : page 873

ACCUEIL DU SITE

Portfolio


[1Tout est affaire de volonté !

[2Pour souvent se remettre ensuite arrêt de travail car c’est plus rentable pour eux sur le plan financier

[3émission de Mermet mardi 21 mars 2008,

[4"Objectif Zéro-sale-con" de Robert Sutton édition : Vuibert

[5Il est nécessaire de savoir répondre à l’opinion publique qui estime que l’arrêt de travail (et même la santé) est un problème de volonté. Répondre "il n’y a qu’à" au moindre problème c’est considérer que seul la volonté compte. Ceci permet de ne pas voir les autres problèmes et n’avance à rien : comment l’évaluer ? (, quels arguments pour justifier son avis ? Doit-on opposer la volonté de la société à la volonté de la personne ?

[6Seul Dieu, s’il existe, peut sonder "les reins et les coeurs"

[7On ne peut demander à tous les malades d’être des "surhommes"

[8Avec le Baby boom.

[9"Ah Dieu que la guerre économique est jolie" Philippe Labarde / bernard Maris

[10D’où par exemple la multiplication des contrôles.

[11A propos de l’ouvrier malade et de la question : sera-t-il sur le chantier demain ?