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Information éclairée ; en pratique. Quel discours ? (En cours d’écriture)

jeudi 6 novembre 2008, par omedoc

Pour rédiger cet article j’ai "pillé" les collègues. [1]

BROUILLON

“L’information du patient fait également partie des obligations
de tout acte médical (code de déontologie, code
de la santé publique). Chaque patient doit recevoir une
information claire, loyale et appropriée afin d’obtenir
son consentement libre et éclairé (Cour de cassation du
14 octobre 1997). Concernant les examens irradiants à
visée diagnostique, une des difficultés est de décrire le
risque stochastique lié à l’exposition aux rayonnements
ionisants sans utiliser de termes techniques [10]. Selon
FR Verdun et al., délivrer une information compréhensible
pourrait consister à comparer l’ordre de grandeur
du risque lié à une irradiation à celui d’un risque plus
facilement appréciable [32] : « le risque de cancer lié à
une radiographie de l’abdomen est très faible ; il peut
être comparé au risque de décès associé à un vol en
avion de 7 200 km ». JY Devaux propose une présentation
de l’acte radiologique en trois étapes : une présentation
de la nature de l’acte à effectuer, des risques
potentiels liés à cet acte et enfin une réflexion bénéfice/
risque intégrant la situation clinique du patient [10].
Dans tous les cas, l’information doit être adaptée au
contexte clinique du patient (ex : cas particuliers de la
femme enceinte ou de l’enfant) et à la nature de l’acte
effectuée (exemple : irradiation liée à une coronarographie
supérieure à une radiographie de membre [33]).”
 [2]

En pratique : quel type d’information

En terme de choix concret
« Ce que je sais du cancer prostatique (et les choses n’ont pas bougé depuis 2000) : cancer de la prostate non traité : dix ans d’espérance de vie ; cancer de la prostate "traité : onze ans d’espérance de vie. Il y a des patients si on leur propose l’échange d’une année de vie contre une année d’effets indésirables graves, choisissent l’année de plus. c’est leur droit. En réalité, le vrai trade-off est : onze ans d’effets indésirables versus environ trois ans.... »

Autre discours : information réellement éclairée ?

« Première consultation : Monsieur J, 45 présente un état dépressif
caractérisé dit "sévère" évoluant depuis 3 mois. Je lui dit (je
caricature mais juste un peu) :
 J’ai bien entendu votre demande. Vous désirez un traitement par
homéopathie ou à base de plantes. Mais ces traitements ne peuvent vous
convenir. Les études ont montré que la meilleure option dans votre cas,
compte tendu des données actuelles de la science et des nombreuses
études faites sur le sujet, réside dans la prise d’un traitement
antidépresseur (je propose clomipramine ou citalopram car ils sont bien
connus et j’ai l’habitude de les manier) associés à des entretiens
réguliers (je ne suis que MG alors je n’emploie pas le mot
psychothérapie réservé aux spécialistes (pardon Spécialistes avec une
majuscile comme D...) du domaine). La probabilité pour une amélioration
de votre état dans les 2 à 3 semaines qui viennent est très importante
(je pense 70% mais ne le dis pas) avec le risque rare d’effets
secondaires potentiels (je lui cite). Je ne souhaite pas vous donner
d’autres traitements non évalués car je ne sais pas exactement ce que je
puis en attendre.

Seconde consultation : Monsieur H, 45 ans, présente une épicondylite
évoluant depuis 6 semaines. Un premier traitement AINS + repas ne l’a
pas soulagé et je lui dit (je caricature mais juste un peu) :
**
 J’ai bien entendu votre problème et je comprends que vous soyez déçu.
Compte tenu des données de la science sur les phénomènes inflammatoires
et douloureux, je vous ai proposé du naproxène car sa balance
bénéfice/risques est favorable et, en l’absence de risques personnels,
je l’ai préféré à l’ibuprofène, mieux toléré mais moins efficace selon
une synthèse faite par le NHS. Je ne connais pas d’étude de bonne
qualité spécifique à propos de l’épicondylite. En l’absence de données
pertinentes je me fonde sur mon expérience et vous propose de faire en
2° intention un traitement de mésothérapie associé à une immobilisation
de quelques jours. En cas d’échec, je vous re proposerai l’infiltration
cortisonée que vous m’avez dit ne pas souhaiter sur les conseils de
votre voisine.

Dans le premier cas je procure au patient les meilleurs soins dans un
domaine où il y a eu des évaluations. Et je pondère ces données en
fonction de mon patient et de la compilation neuronale que j’ai faite
des données rapportées par LRP, de préférence et en tenant compte
d’autres recos dont j’aurai eu connaissance et me semblant acceptables
sur le plan méthode.

Dans le second cas les DAS sont vides ou quasi. Gaspard ne s’est pas
prononcé. Alors en mon âme et conscience je fais ce que je peux avec les
connaissances et les avis que j’ai pu glaner et même si ma méso est une
placébothérapie, je n’ai pas meilleur niveau de preuve à proposer. Alors
modestement et en étant conscient de ce que je fais, je mets le maximum
de conviction afin de renforcer cet effet placébo et que le patient soit
soulagé avec un risque le plus minime possible.

Je peux également dire à Mr H :
"Ecoutez, je vous ai donné un coxib car c’est ce que mon correspondant
rhumato fait à l’issue de son dernier congrès à Pekin, et en l’absence
d’études spécifiques je ne sais pas ce qu’il faut faire. Alors comme ne
ne sais pas, je ne fais rien car c’est ce que me dirait de faire LRP.
Alors rentrez chez vous et prenez du paracetamol."

Je pense que le patient ne reviendra pas, il aura raison. Sur le plan
des soins j’aurai été pile poile LRP formaté. Sur le plan "résultat
final" de la qualité des soins, c-a-d la satisfaction du patient [3] : zéro
pointé (mais cette notion est rarement prise en compte dans la LRP, du
moins dans les pages d’avant le forum.

Au total : l’utilisation des DAS [4], l’utilisation des placébos, voire un
peu de patamédecine ne me paraissent pas du tout incompatibles. C’est là
peut être la différence entre l’humanisme et le scientisme ?
L’imbécilité c’est de dire à un mec qui fait un infarctus "bouge pas
gars je sors mon aiguille pour renforcer ton méridien maitre du coeur et
baisser ton triple réchauffeur".
 »


Nombres de personnes à traiter

« Au total [5], le rapport bénéfice/risque est résumé dans la phrase "Au bout
d’une quinzaine d’années, 55 à 120 personnes auront leur vie prolongée, au
prix de 1 à 2 complications sévères de la coloscopie et peut être 2 à 3
décès prématurés dus à un traitement du cancer"
Le titre de l’article "efficacité modeste, risque acceptables"
justifie donc la recommandation de ce dépistage avec une information
précise et honnète du public. Un taux de participation supérieur à 50% est
nécessaire pour obtenir les chiffres sur la baisse de mortalité ; une
participation supérieure permettrait des résultats meilleurs.
Qui aurait les compétences pour écrire une phrase du même type,
cohérente au niveau des chiffres, pour le dépistage du cancer du sein ?
D’avance, merci
 »

Réponse : « Pour "une phrase équivalente" concernant les mammographies de
dépistage des cancers du sein, il suffit de la pomper dans le dernier
article Prescrire à ce sujet :
 le "résumé" de la métaanalyse Cochrane en une phrase : *« pour 2 000
femmes invitées au dépistage pendant 10 ans, une a sa vie prolongée. En
contrepartie, 10 femmes en bonne santé, qui n’auraient jamais été
déclarées cancéreuses en l’absence de dépistage, sont diagnostiquées
comme ayant un cancer du sein et traitées inutilement » mais les auteurs
annoncent que si le gain de mortalité est "vraisemblable", il n’est
cependant pas "démontré" (à noter qu’ici, "aura sa vie prolongée"
correspond à une diminution jugée probable de la mortalité totale, et
non de la mortalité spécifique (par cancers du sein).
(Gøtzsche PC et Nielsen M “Screening for breast cancer with mammography”
(Cochrane review) (dernière revision : 2006). In : “The Cochrane
Library” John Wiley and sons, Chichester 2007 ; issue 2 : 64 pages.)

 le "résumé" du National Cancer Institute des USA : *
"On peut ainsi estimer que sur 10 000 femmes âgées de 50 à 70 ans
participant à un dépistage par mammographie, 9 500 femmes ont un
résultat normal (vrais et faux négatifs). Sur les 500 résultats
anormaux, 21 à 34 ont vraiment un cancer du sein et 466 à 479 sont des
faux positifs. Environ 100 à 200 femmes subissent des procédures
diagnostiques invasives. En fin de compte, toujours selon cette
estimation, 2 à 6 femmes voient leur vie prolongée du fait du dépistage.
En contrepartie, un cancer du sein est détecté
chez 15 à 32 femmes sans qu’elles tirent de bénéfices de cette
détection, soit parce qu’elles meurent de ce cancer en dépit des
traitements, soit parce qu’elles meurent d’une autre cause, indépendante
de leur cancer du sein."
(National Cancer Institute “Breast cancer (PDQ°) : Screening - Health
professional version” Mise à jour du 16 avril 2007. Site internet
www.cancer.gov consulté le 24 juin 2007 : 29 pages.)
 »


Risques et chances

« En ce qui concerne le cancer du sein, j’ai fait un article sur le sujet dans
mon site : j’argumente que les femmes qui ne se font pas dépister ont une
chance sur 18 de mourir du cancer du sein et celles qui se font dépister ont
une chance sur 19 de mourir du cancer du sein et une chance sur 27 d’être
traitées pour rien.
C’est ce type d’information que j’aimerai avoir pour choisir de façon
rationnelle. Je pense que c’est ce type d’information qu’il faudrait délivrer
pour motiver au dépistage. Mon médecin du travail m’a dit qu’il fallait me
faire dépister pour la prostate (PSA) : [6]. J’ai 54 ans :
pouvez-vous me dire quelle probabilité j’ai de mourir avant 80 ans d’un
cancer de la prostate si je ne me fais pas dépister, qu’elle probabilité si
je me fais dépister, et qu’elle probabilité de me faire traiter d’un cancer
de la prostate pour rien.... je déciderai en fonction....
 »

« Au bout d’une quinzaine d’années, 55 à 120 personnes auront leur vie
prolongée, au prix de 1 à 2 complications sévères de la coloscopie et
peut être 2 à 3 décés prématurés dus à un traitement du cancer. Il faut
cependant rajouter au début de la phrase : sur 60000 personnes invitées à
participer au dépistage. Et encore s’agit-il d’un essai. On sait que dans
ce type de démarche on augmente le taux de détection et le taux de
guérison. Quelques critiques :
a) il ne s’agit pas d’un essai cas-témoins ;
b) la moitié des cancers colo-rectaux sont découverts "dans
l’intervalle" ;
c) environ la moitié des personnes ayant un cancer
colorectal ont un test négatif.
J’ai (un peu) travaillé sur la qualité de
vie et je me méfie du terme "vie prolongée". Dans le cancer de la
prostate, la qualité de vie est altérée par le traitement et pourtant les
malades préfèrent souvent le PSA... Le problème du coût est crucial. Je
crois qu’une étude anglaise sur une très grande partie de la population a
analysé le critère coût / efficacité. Et le chiffre par malade est assez
élevé. Donc, je suis prêt à partir dans l’aventure mais je suis à moitié
convaincu.
 »

« Personnellement, je ne reprendrai pas telle quelle la phrase de
Prescrire. En effet, "55 à 120 personnes auront leur vie prolongée" (sur
60 000) correspond en réalité à une simple règle de trois à partir de la
donnée exprimée page 924 colonne 2 en haut qui dit "selon les essais, la
diminution de mortalité a varié de 0,9 à 1,7 décès pour 1000 invités"
(il suffit de multiplier 0,9 et 1,7 par 60000). MAIS attention, le souci
d’écrire "court" a conduit les rédacteurs à ne pas répéter une notion
essentielle : il s’agit uniquement de la mortalité PAR CANCER DU COLON.
Il est dit par ailleurs que les essais n’ont pas été conçus pour évaluer
la mortalité totale, et le tableau page 924 montre clairement que la
mortalité totale bouge très peu, et surtout de manière incohérente. Au
total, il apparait que "auront leur vie prolongée" est une expression
très ambiguë, dès lors qu’il ne s’agit en fait pas de la mortalité totale...
 »


A lire :
 Article du docteur du 16
 Sur le placebo du même auteur


[1Qu’ils m’en excusent... on peut évidemment me piller moi aussi : voir le PS de cet article.

[3Mon commentaire, la qualité des soins est-elle égale à la satisfaction du patient ? Voir mon article qu’est-ce qu’un bon médecin ?

[4Données actuelles de la science

[5concerne le dépistage du cancer du colon

[6A noter que ce n’est pas le rôle du
médecin du travail de s’occuper de ce type de prévention