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Dogmatisme, Pragmatisme, Nominalisme [version 0.50 du 30/11/2009][Ancienne version 0.40 du 21/06/2008]

dimanche 13 avril 2008, par omedoc

Le pragmatique ne se pose pas la question de la vérité. Si ça marche, ça marche.

Le dogmatique ou essentialiste agit à partir de vérités données.

Le nominaliste ou existentialiste définit la vérité à partir par exemple de ses conséquences (en cela il peut-être confondu avec le pragmatisme) et va agir en fonction de cette vérité.

Pour le nominalisme il s’agit d’une approche personnelle. Cette tripartition est issue de la lecture d’un livre que je ne retrouve plus...

Le Pragmatisme

Le pragmatisme est une conception philosophique acceptable de la théorie de la connaissance scientifique. Elle consiste à dire que la "vérité" est ce qui est efficace et non un idée abstraite.

Être pragmatique en médecine c’est, devant une maladie difficile à soigner, essayer les différents types de médicaments ou de médecine (homéopathie, acupuncture....) et estimer que si ça marche c’est bon pour tout le monde sans s’embarrasser de considérations sur l’efficacité réelle, sur l’effet placebo éventuel, etc...

Une autre façon de se dire pragmatique est de se proclamer réaliste. On parle même parfois de réalisme pragmatique !

Dérives du pragmatisme :

En s’opposant au dogmatisme ( voir ci-dessous), le pragmatisme risque de devenir amoral.

Se proclamer pragmatique en politique [1] ou en économie est une façon de cacher, pour certaines décisions, le peu de cas qu’on fait des valeurs morales [2]

Le néolibéralisme repose entièrement sur le pragmatisme : il est juste de faire ce qui marche (à court terme), quelque soit les moyens pour y arriver, quel que soit les conséquences (à moyen ou long terme). Qui veut la fin veut les moyens est un des slogans du pragmatisme appliqué à la politique et à l’économie. C’est strictement l’inverse de la "morale" (au sens d’avoir de fortes valeurs morales) . La "morale" s’oppose donc, dans ce cas, au pragmatisme.

Se dire pragmatique viendra souvent comme une parole de défense devant l’accusation d’un manque de valeur morale [3].

Être pragmatique permet de ne pas penser
"on voit qu’un truc marche, si c’est bienfaisant, que ça ne nuit pas (primum non nocere), on est pragmatique on prend, on arrête de se poser des questions." Arrêter de se poser des questions peut-être dangereux...

Citations :

Entendu à la radio début 2008 ! « les intérêts ont remplacés les idéaux... c’est le retour à une méthode pragmatique.. » secrétaire d’état aux affaires Européennes ; Jean pierre jouyet

Pétain : L’esprit de jouissance détruit ce que l’esprit de sacrifice a édifié. ...

martin Hirsch : "culte du pragmatisme et du résultat"

Taper Dogmatisme Pragmatisme dans votre moteur de recherche.

"le grand obstacle à notre mouvement vient des "réalistes" qui vénèrent plus l’ordre que la justice et qui préfèrent une paix négative caractérisée par l’absence de tension, à une paix positive, caractérisée par la mise à jour des conflits. Encore faut-il bien préciser que nous, qui produisons les actions directes, ne sommes pas ceux qui produisons les tensions. Nous nous contentons de les dévoiler. Nous les faisons apparaître au grand jour pour qu’on puisse les reconnaître et les traiter." [4]

"Le réaliste suit la vérité effective des choses et renonce à une vision purement morale des relations politiques." [5]

Le Dogmatisme

Dans son sens non péjoratif, être dogmatique c’est agir en fonction de ses valeurs morales et de ses opinions les plus assurées.

Il s’agit de se conduire en fonction de ce que l’’on considère comme étant la vérité. Ce qui est totalement légitime, en particulier dans la recherche scientifique mais aussi comme méthode d’action, ou comme méthode de résolution des problèmes.

Un médecin qui estime que l’homéopathie est une placebothérapie, et qu’il faut éviter les placebos ne prescrira pas ce type de médicaments, même à l’essai.

Il s’agit de la conduite la plus naturelle pour nous. Lorsqu’on a un problème, on essaye de le comprendre, de l’approfondir, c’est à dire de rechercher la vérité du phénomène, avant d’agir.

La principale dérive est le dogmatisme au sens péjoratif du terme

C’est à dire croire qu’on détient la vérité, et ne pas accepter la critique.

Exemple : la prohibition de l’alcool en Amérique a été faite au nom d’une certaine valeur, pourtant sur le plan pragmatique, cela a été une catastrophe. Ces valeurs peuvent être contestées ; exemple de la légalisation de la possibilité d’avorter.

Le Nominalisme

C’est une troisième façon de penser, d’agir, et d’essayer de résoudre les problèmes. Dans le dogmatisme on estime que la vérité est accessible, dans le pragmatisme on ne se préoccupe pas de sa recherche (car on pense que la vérité n’existe pas ou est inaccessible), dans le nominalisme la "vérité" est une création formelle. « Le nominalisme est une théorie de la philosophie scolastique médiévale, dont le fondateur est Roscelin et qui considère que le monde réside essentiellement dans les concepts posés par le langage (les noms) » [6]

En science il s’agit de créer un système cohérent, non contradictoire.

En médecine il s’agit de considérer la maladie comme un concept qui se construit dans la relation entre le médecin et le malade, et que cette construction est opératoire. Les pathologies pour lesquelles il existe une approche thérapeutique efficace deviennent des maladies.

La fibromyalgie peut être considérée selon les trois points de vue [7]. Soit il s’agit d’une maladie (organique ou psychique) à part entière (point de vue dogmatique), soit on ne se prononce pas sur l’origine, et on soigne en testant les différents médicaments et types de médecines, soit on considère que porter le diagnostic de fibromyalgie permet de nommer et donc de soulager sa souffrance, c’est un récit qui va s’écrire, évoluer et permettre un changement.


La principale dérive est de considérer que toute vérité est une création conceptuelle.

Autre exemple : la beauté ou l’art. On ne peut définir ce qu’est l’art ou la beauté même si cela correspond à une réalité sensible. Sur le plan pragmatique on pourrait considérer que l’art c’est qui se vend sur le marché de l’art. En fait la seule approche possible est celle du nominalisme.

On ne peut se faire une image de la réalité. La réalité dépend de la façon dont on l’observe. La mesure dépend de l’appareil de mesure onde/particule électron irreprésentable.

EXEMPLE 1

Dans le film M le Maudit la scène finale du procès (par la pègre) montre bien les trois attitudes.

 L’attitude pragmatique de celui qui fait office de procureur : "Nous voulons te rendre hors d’état de nuire. Et la mort est le plus sûr moyen.... On ne peut gager sa guérison.."
 Le dogmatisme de celui qui fait office d’avocat : "Personne n’a le droit de tuer un homme irresponsable de ses actes, même l’État !"
 Le nominalisme des mères : "Tu n’as pas d’enfant toi ! [8], tu ne sais pas ce que c’est de perdre un enfant ! Va voir les parents de ceux qu’il a tué ! Ils te raconteront l’angoisse et leur désespoir. va voir les mères, tu voudrais qu’elles aient pitié pour cet assassin ? " Et au moment du jugement : "Cela ne rendra pas la vie à nos enfants."

A noter que la vérité (coupable ou non coupable ?) n’est connue que de Dieu seul. La justice des hommes est encore ce qu’il y a de plus satisfaisant. Tout le problème étant de savoir si "M le Maudit" dit vrai lorsqu’il dit qu’il commet ses crimes contre sa volonté.

EXEMPLE 2

L’aptitude au travail.

Le dogmatique s’attachera à la loi. cette attitude est intenable puisque la loi est ancienne et ne fait pas allusion à l’incapacité psychique.

Le pragmatique pourra soit s’attacher à faire accepter la décision et/ou gagner des expertises. Il y a d’autres possibilités.

Le nominaliste va se construire une définition de l’aptitude au travail, à partir de sa réflexion, de se que font les autres, de ce qui se dit.

Aucune attitude ne détient la vérité

EXEMPLE 3

Intérêt d’un forum de discussion entre malades :
 Les pragmatiques diront que cela fait du bien d’échanger et de participer,
 Les dogmatiques diront qu’il faut le faire pour lutter contre la maladie.
 Les nominalistes pourront exprimer leurs émotions, "parler pour parler", critiquer et rentrer en conflit...

faut-il prescrire un placebo ?
 Pour les pragmatiques : si ça ne fait pas de bien, cela ne peut pas faire de mal.
 Pour les dogmatiques : non car c’est tromper le malade.. ou au contraire, oui parce que le placebo ça marche.
 pour les nominalistes : si le patient en veut, de quel droit puis-je le lui refuser ?

« Socrate cherche le beau, alors qu’Hippias dit ce qui est beau[...] Sa position nominaliste s’oppose à l’idéalisme platonicien : est beau ce que les hommes appellent beau, la beauté est une qualité et non une essence, la beauté n’est rien hors de l’apparence belle. » [9]

« Tandis que la mutualité se focalise sur le processus, cette forme de respect de soi se focalise sur le résultat. » [10]
Se focaliser sur le résultat = pragmatisme. Se focaliser sur le processus = nominalisme. Se focaliser sur ce qui est au départ du mouvement ou de l’action = dogmatisme.

A propos d’un match de foot , j’ai entendu à la radio : "les allemands on fait preuve de réalisme contre les portugais".

« En un certain sens on peut dire que les hommes se divisent en deux groupes : ceux qui veulent toujours avoir raison contre ce qui se passe dans l’expérience, et ceux qui sont au contraire toujours prêts à se soumettre à ce qui se passe dans l’expérience en déclarant que l’entendement à tort. » [11]

EX 4

« ... Et il souligne le paradoxe de la faille récurrente entre les idéaux professés et les résultats. L’autosuffisance et le protectionnisme prônés pour garantir la liberté politique et protéger de l’exploitation économique étrangère ont ainsi abouti à la corruption et à un système d’économie administrée entretenant la pauvreté. De même, Nehru conduisait la politique étrangère comme une fin en soi, plus que comme un moyen de promouvoir la sécurité et le bien être de ses concitoyens. » A propos du livre Nehru, l’invention de l’inde.

Conduire une politique comme une fin en soi = nominalisme ?

DEFINITIONS...

Exemple de la définition de la maladie :

Pour le dogmatique la maladie existe. Pour le nominaliste, il n’y a pas de maladies, il n’y a que des malades. Pour le pragmatique, il n’y a ni maladies, ni malades.

Le dogmatique va rechercher la bonne définition de la maladie. A partir de cette définition il pourra classer les personnes en malades et non malades.
Le nominaliste part lui de l’individu. La maladie est alors un ensemble d’individus malades.
Le médecin pragmatique ne cherche pas à définir la maladie ou dit que ça n’existe pas, ou estime que le concept n’a aucune utilité. Il soigne des patients qui disent souffrir.

MODELE

Pour toute action, il faut d’abord définir l’objectif.

Pour arriver à atteindre l’objectif on applique un certain savoir :
 Soit ce savoir est considéré comme une vérité, et donc a une plus grande importance que celle d’atteindre certains objectifs. Tous les moyens pour atteindre l’objectif ne sont pas bons.
 Soit on estime qu’on ne connait pas la vérité et donc tous les moyens sont bons pour atteindre l’objectif.
 Soit ce savoir est considéré comme un modèle efficace, même s’il n’est pas vrai, et donc seul les moyens tirés de ce modèle doivent être appliqués.

Dans le Pragmatisme nous sommes dans le court terme (résultats et vue) et dans les objectifs immédiats

CITATIONS

Pour accroître l’efficacité des politiques d’amélioration de la qualité il est en particulier demandé de :
« Ne pas être victime de la dictature des seuils de significativité statistique pour valider ou rejeter les solutions testées ; privilégier plutôt les approches pragmatiques comme celle chère à Edwards deming (Planifier - Faire - vérifier - adapter).
 » [12]

A propos de la stratégie de développement d’un service en ligne ( Bibliothèque d’histoire de la médecine : BIUM) :
« Être pragmatique ; pas de grands développement a priori : nous avançons en fonction des opportunités et des moyens réellement disponibles. » [13]

SYMBOLE

Signifiant = Conception pragmatique et comportementaliste du symbole (cf.Production)

Signifié = Conception sémantique et sémiologique du symbole (cf désignation)

Signe = Conception technique du symbole (cf traitement du signal)

Jean louis Le Moigne la modélisation des systèmes complexes. p 103

Signifiant = pragmatique
Signifié = dogmatique
Signe = nominalisme.


Article cité cité par ce site.


[1Entendu à la radio : "il n’y a pas de morale en politique".

[2Vu sur Wikipedia : “Pour Pierre Lemieux, il faut se méfier du pragmatisme proclamé, qui cache souvent l’idéologie, et cite Mussolini : « Le fascisme est pragmatique : il n’a pas d’a priori ni de buts lointains. »”

[3Dans les autres cas il s’agit d’un argument pour se défendre de toute idéologie ou attaquer l’autre en tant qu’idéologue

[4Martin Luther King (cité dans le journale La décroissance de mai 2008)

[5Philosophie magazine mai 2015

[7Voir cet article et celui-ci

[8En s’adressant à l’avocat

[9Que sais-je sur l’Esthétique p13

[10Richard Sennet Respect p 70

[11Jeanne Hersch : l’étonnement Philosophique.

[12Revue du praticien avril 2008

[13Revue du praticien avril 2008