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Débattre, Discussion, disputatio [Version 0.70]

dimanche 29 novembre 2009, par omedoc

UTILITÉ DES DISCUSSIONS

"Je déteste les discussions : elles vous font parfois changer d’avis."
 [1]

On peut combattre ce que je dis de l’influence de la conversation sur les opinions, par cette observation si commune que des discussions qui s’élèvent dans la société, les deux contendants sortent presque toujours chacun avec le même avis qu’ils y avaient apporté.
Mais je répond que, malgré cette difficulté de persuader celui qui a tort dans la dispute ou la discussion, l’influence de la conversation sur les opinions n’en est pas moins réelle, 1° parce que ceux qui sont spectateurs du combat et désintéressés forment leurs opinions d’après les raisons allégués par l’un ou par l’autre des contendants ; 2° parce que même celui des contendants qui a tort, et qui, dans la dispute, ferme les yeux à la vérité, ne conserve pas cette obstination, lorsqu’il réfléchit ensuite de sang froid et qu’il revient de lui même au sentiment qu’il avait combattu. (A morellet, De la conversation, Paris : Rivages, 1995 1° édition 1812).

En d’autres termes : même s’il est rare que les négociations d’opinions débouchent sur un accord entre les "contendants", elles peuvent avoir sur eux des effets à distance, et sur leur auditoire des effets immédiats : "l’influence de la conversation sur les opinions" est donc bien "réelle".
Cette influence s’exerce par le recours à des moyens argumentatifs et persuasifs.... [2]

STÉRILITÉ DE CERTAINES [3] DISCUSSIONS

1° Discussion impossible:stérile

2° A quoi la reconnaît-on ?

3° les causes :
 La bêtise
 La mauvaise foi
 La non mise en lumière des points de désaccord.
 L’esprit polémique

"Ne crois-tu pas que le bonheur des Terriens réside beaucoup plus dans le feu de la polémique, dans la chaleur de la controverse, que dans une démarche réelle et froide de la vérité ?" [4]

Au lieu d’assister à des échanges de points de vue sur des sujets où par définition, il est impossible d’émettre des avis tranchés et définitifs, on voit se succéder des mises en scène de la contradiction irréductible.... Les controverses sur des sujets par essence difficiles cèdent du terrain à la procédure accusatoire...
Idéalement dans la « dispute » il s’agit de convaincre de la véracité de ses arguments, ou les conduire éventuellement à infléchir leur position. Il ne s’agit, comme des gladiateurs, de porter des coups à l’adversaire, de lui faire honte, de le terrasser, en restant totalement hermétique à ses arguments. Ce régime du discours change complètement les règles du jeu du débat. Il ne s’agit plus de l’emporter en raison de la plausibilité de ses arguments – mais de susciter auprès du public de la réaction la plus intense. [5]

Les débats publics sont plus des bras de fer que des échanges constructifs.. On parle pour se faire voir, pour se faire applaudir, pour contredire l’autre et non pour faire avancer les idées.

Pourquoi les personnes argumentent :

  • Les bonnes raisons/motivations :
    • Pour persuader ou convaincre.
    • Pour rechercher la vérité.
  • Les mauvaises raisons/motivations :
    • Pour avoir raison.
    • Pour ne pas perdre la face.
    • Pour justifier.
  • Absence de discussion réelle.
    • Discuter pour discuter

COMMENT DISCUTER UTILEMENT ?

Il ne s’agit pas d’avoir raison, il faut convaincre.

Lors du débat après une conférence : être concis ! ne pas se raconter, poser simplement la question permettant d’éclaircir tel ou tel point du propos du conférencier.

Pour légitimer sa prise de position : ne pas mettre en avant ni ses connaissances, ni son niveau d’étude. Ne pas se cacher derrière une communauté d’avis allant dans son sens : dire "c’est ce que je pense ou "c’est ce que je crois", plutôt que : "tout le monde sait cela".

Considérer ses interlocuteurs et auditeurs comme des pairs plutôt que comme des disciples.

Préférer le débat, la parole partagée, l’enrichissement mutuel plutôt que l’information qui tombe d’en haut.

Chercher à convaincre par le dialogue et non par un rapport de force.

Éviter les propos péremptoires.

"Plus nous sommes violents dans le discours, plus nous séduisons nos amis et ceux qui étaient déjà avec nous, mais moins nous convainquons les indécis et encore moins les opposants..." Un discours un poil humoristique a une portée beaucoup plus forte.

Les conditions d’une discussion intelligente et utile.

 Les interlocuteurs doivent pouvoir changer d’avis, ou en tout cas faire comme si.

 Il faut analyser à fond tous les arguments et en particulier les plus forts de l’adversaire.

On peut se convaincre que X est bon ou que Y est vrai parce qu’on méconnaît l’existence de raisons contradictoires avec celles sur lesquelles on se fonde.[...] Toutes les études sur les controverses scientifiques montrent que ceux qui croient à une thèse s’efforcent de minimiser les arguments de leurs opposants, voir de faire en sorte qu’ils ne puissent les exposer.
 [6]

 Il faut du temps et de la méthode

 Si nous sommes l’un des interlocuteurs nous devons éviter la manipulation.

Recommandation pour guider les discussions critiques en matière d’éthique clinique : [7]

  • conditions nécessaires d’une discussion rationnelle.
    • Respecter l’intégrité de ses allocutaires
    • Ne pas manipuler
    • Ne pas leur mentir
  • Principe qui a pour fonction d’orienter la discussion vers sa finalité :
    -** Chaque fois qu’un conflit apparaît entre des convictions antagoniques, il convient de chercher à les dépasser en direction de la plus grande universalité possible.
      • Il s’agit de dépasser nos particularismes en direction de ce qui cultive "tout humain en chaque humain", comme disait Maître Eckhart.
      • Avant chaque prise de décision repérer les exclus de la décision
      • Prendre conscience de ses préjugés.
  • Règle de procédure
    • Toujours tenter de construire un consensus.
    • sinon se mettre d’accord sur les points de désaccord ; (souvent en fait question de mots, problème de définitions)
    • Si le dissensus est irréductible, trouver un compromis = position qui vaut mieux pour chacune des parties que celles de l’adversaire ;
  • Mais la discussion ne cous contraint nullement à nous soumettre à quelque majorité que ce soit : notre conscience morale choisit en dernière instance, mais à nos risques et périls.

Citations

Ricœur propose de situer le discours politique, au niveau "rhétorique". Il précise :

Ce n’est pas pour le discréditer. Bien au contraire : relèvent de ce niveau les sortes d’arguments qui, sans s’élever au plan de la démonstration, de la preuve logique ou scientifique, ne tombent pas à celui de la sophistique, où l’on cherche à extorquer l’accord d’autrui par la flatterie et l’intimidation. Entre prouver et séduire, il y a place pour des arguments probables ou, si l’on préfère, vraisemblables, ou simplement plausibles. À ce niveau, la conviction est recherchée par le moyen d’une discussion réglée. Je crois donc qu’il existe une bonne rhétorique, et que le discours politique peut se tenir à ce rang. [8]

Si gagner c’est surmonter les obstacles en vue d’atteindre un but, mais que la victoire n’a de sens qu’en fonction de la valeur du but, nous sommes dans une autre logique. L’adversaire compétent nous oblige à trouver les meilleures réponses pour gagner. Il n’est plus l’ennemi à abattre mais le partenaire idéal de notre progression. Tous les moyens illicites pour obtenir la victoire (dopage, violence, tricherie...) perdent leur sens. Il ne s’agit plus de devenir le meilleur, mais tout simplement meilleur. C’est la rencontre inédite de la compétition et de la coopération. C’est alors que la rencontre sportive devient compatible avec les valeurs humaines et les réflexes de paix. [9]

Je ne cherche pas à convaincre mon adversaire, mais à m’unir à lui dans une vérité plus haute. [10]

Les forums de discussion.

Il n’y a aucune argumentation méthodique, les affirmations sont en général non sourcées,

Par contre on est confronté aux véritables questions et problèmes. On comprend où se trouvent les difficultés pour y répondre ou les résoudre.

Être sincère, c’est à dire ne pas mentir sur son opinion c’est s’exposer à l’attaque, non pas de ses idées, mais de sa personne.

Lorsqu’on a une certitude erronée c’est pour deux classes de raisons : intellectuelle et émotionnelle.
 Intellectuelle : manque d’esprit critique et autocritique ou limite intellectuelle.
 émotionnelle : désir d’avoir toujours raison, ou quelque part l’opinion nous arrange (idem biais de confirmation d’hypothèse), ou l’opinion contraire nous dérange trop.

BROUILLON

En vue de l’action

L’entretien motivationnel

Les risques de l’argumentation : le résultat prévisible d’une argumentation
est que chacun consolide sa position !


En vue de l’analyse

mettre en scène de véritables "disputes", au sens médiéval et scolastique du terme, au cours desquelles les opinions émises [auraient] été discutées et critiquées de manière contradictoire, non pas pour ne retenir et présenter in fine que la majoritaire, mais pour identifier et énoncer les analyses alternatives qui, même minoritaires, ne peuvent être exclues de manière purement logique.
 [11]

Voir le terme de disputatio

Émission de France culture sur Montaigne : de l’art de conférer
Quelle est la différence entre discuter, se disputer, jouter et conférer [12] ? Qui est apte à la conférence et qui ne l’est pas ? Sur la sottise.. accepter d’être critiqué... Pour une discussion musclée. [13]

Autres sources :
 Le journal la décroissance de mai 2009. chronique de "La Madelon".

La coopération n’est pas, pour moi, l’art de se mettre d’accord mais plutôt de savoir écouter et vivre le désaccord. Richard Sennet Philosophie magazine mars 2015

Quel que soit le débouché de l’assemblée populaire de Commercy, ou même de l’Assemblée des assemblées, restera pour ceux qui y ont participé une période d’échange et de solidarité que Guy comme Claude qualifient de "magique". "Pour le 31, on a fait un réveillon à la cabane, chacun a ramené quelque chose, ça s’est terminé à 4 h du matin, c’était incroyable", sourit Guy. Claude, lui, en est à remettre en question tout le militantisme "classique", dans lequel il baigne pourtant depuis des années. "Dans ma vie, j’ai été à la CGT, à la CNT, à SUD, au NPA, chez les Verts. Mais depuis le premier jour des Gilets jaunes, j’ai laissé tomber tout ça, et je ne pense pas y revenir un jour. Chez les Gilets jaunes, on passe notre temps à parler avec des gens avec qui nous ne sommes pas d’accord, c’est génial. Aujourd’hui, je me demande à quoi je servais dans les partis politiques."
https://www.arretsurimages.net/articles/a-commercy-des-gilets-jaunes-pour-le-communalisme-libertaire


[1Oscar Wilde

[2Kerbrat-orrecchioni : "le discours en interaction". Armand Colin. p 137

[3La plupart ?

[4G. MORRIS. ANTICIPATION. . "Vecteur Dieu"

[5Auteur inconnu

[6La Rationalité. Raymond Boudon. Que sais-je ?

[7synthèse tirée du livre de jean-François Malherbe. L’incertitude en éthique.

[8Philosophie, éthique et politique. Page 66

[9Frédéric Roth. Journal la décroissance. avril 2008. A propos des compétitions sportives.

[10Sain-Thomas d’Aquin

[11La recherche, N° spécial sur le risque alimentaire, bernard Chevassus-au-Louis. in rev prat 526

[12= parler ensemble

[13A partir de 16 minute 45 sec...