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ALD et réforme de la sécurité sociale : critiques et solutions.

jeudi 3 juillet 2008, par omedoc

Didier Seyler est un ancien médecin conseil ; il a démissionné en 2007 ?.... Ceci explique sans doute que vous ne trouverez pas ailleurs une critique aussi franche, proche de la réalité du terrain (et sans langue de bois).

Il a en effet donné son accord pour que je mette sur mon site un des courriers qu’il a envoyé sur une liste de diffusion pour médecins. J’ai gardé le style direct des "échanges entre médecins" (Certaines passages seront peut-être peu compréhensibles pour les non initiés). Par précaution j’ai censuré deux mots.

1) quelques chiffres :

ALD = 60 % des dépenses d’assurance maladie obligatoire (AMO), pas 70 % ,
et c’est déjà énorme ! On est à 7.5 millions de personnes en ALD (2005) ,
avec un flux à quasi 1 millions d’entrées par an.

La croissance de dépenses ALD est beaucoup plus forte que celle des
dépenses consacrées aux malades non ALD : 12,8 % par an en moyenne
contre 4,5 % sur 2003 & 2004 ; La croissance du nombre de personnes en ALD a
eu plus d ?impact sur l ?augmentation des dépenses liées aux ALD que
l ?évolution des coûts moyens qui est « modeste » en euros ;

Les soins liés aux maladies exonérantes expliquent ainsi plus des trois
quarts (77 %) de la croissance des soins de ville en 2003 ; Les soins liés
aux maladies exonérantes représentent environ 30 % des dépenses de ville
(15,6 milliards d ?euros) ;

On ne peut pas assimiler régime ALD et annulation du reste à charge (RAC)

Malgré l ?exonération du régime ALD, le RAC moyen des assurés en ALD est
deux fois celui des assurés non ALD : 400 ? en ALD (2002)
contre 200 ? pour les assurés non ALD, ticket modérateur, forfait
hospitalier, hors dépassements ;

Pour le quart des assurés en ALD dont le recours aux soins est le plus
important (2 millions de personnes) le reste à charge est d ?environ 810 ? ;

Parallèlement, il existe de nombreux assurés non ALD pour lesquels le
reste à charge est très élevé. Ainsi, parmi eux près de 4,5 millions
d ?assurés ont un RAC supérieur à 500 ? par an et près de 900 000 ont un RAC
moyen de 1000 ? ;

2) quelques commentaires

2-1 J’étais totalement pour le médecin référent et regrette son exécution
par nos confrères de la CSMF et de l’Ordre ; Même si ça n’a rien à voir,
pour moi le Médecin traitant était (est ?) une formidable opportunité pour
les médecins généralistes et ceux qui s’intéressent à l’organisation des
soins, notamment parce que cela OBLIGE tout postulant à une ALD (exo ou pas),
tout postulant à un arrêt supérieur à six mois à passer par un MT (en fait
un MG) qui protocolarise la prise en charge ; le protocole de soins signé
avec le médecin conseil pourrait être un extraordinaire outils de qualité
des soins, de pédagogie et d’éducation (voire de résistance à certains
spécialistes), ce qui n’est pas du tout le cas aujourd’hui.

2-2 Si le service du contrôle médical faisait le travail pour lequel il
existe en théorie, il y aurait deux stratégies ayant chacune ses avantages
et ses inconvénients ; soit le contrôle sur le flux au moment de la
rédaction du protocole par le MT à propos d’un patient en particulier, soit
le contrôle sur le stock en comparant un référentiel de prise en charge de
l’HAS à la réalité. Au début, on a fait semblant de faire du contrôle sur
le flux : hurlement généralisé : à bas la paperasserie, à bas le
harcèlement, etc ... Alors on se réunit en 2007 avec les représentants des
docteurs et on simplifie : sur le protocole on peut juste mettre "selon
recommandation HAS" (on accepte même le tampon fait pour - et certain
médecin conseil ont fait fabriquer un tampon "sous réserve des
recommandations HAS") (si vous voulez faire rigoler des confrères nord
américains, montrer leur ce type de protocole avec les tampons du MT et MC
...) ; on va faire désormais semblant de faire du contrôle sur stock en
comparant les recommandations HAS , mises à jours chaque année, avec la
pratique du MT ; les hurlements vont bien sûr recommencer car en réalité
les docteurs ne veulent pas de contrôle du tout, pouvoir prescrire ce
qu’ils veulent, quand ils veulent, à qui ils veulent , car eux ils sont sur
le terrain et savent, alors que ces c... à la sécu et dans les ministères,
etc .... Je le répète au risque d’être gaga, le lecteur moyen de Prescrire
et le représentant syndical national n’est pas représentatif des médecins
généralistes lambdas (par ailleurs, pas aussi c... que ce que l’on pense à
la sécu et dans les ministères)

La réalité, c’est que personne dans ce pays ne veut de contrôle pour de
vrai ; ça va pas la tête ou quoi ? Alors tout le monde fait semblant ; ni
le contrôle de l’assurance maladie, pourtant doté d’une force de frappe
totalement surdimensionnée (bases informatiques, code de la sécu,
répartition sur le territoire , etc ) , ni l’État avec les médecins
inspecteurs, et encore mois l’ordre, ne fait le job : ce sont des
"Sembleurs" ; mais par contre ils passent volontiers leurs temps à emmerder
les gaucho, les idéalistes et autres empêcheurs de tourner en rond.

2-3 Et le dernier coup sur les ALD c’est vraiment grandiose : on ne
cherche comme d’hab. absolument pas à modifier la structure pathologique de
nos dépenses de soins, mais à filer la patate chaude de la facture à un
autre, en l’occurrence les complémentaires et/ou les ménages ; car ici je
suis au moins sûr qu’on sera ok sur le fait que ce qui est important, c’est
quand même de savoir si tel médicament est utile à son patient oui ou non,
avant de savoir qui c’est qui va casquer ?

3) Politique ? Franchement je pense que notre Rockie (FVR) est ....
[censuré :-)] : être directeur de la Cnamts c’est un signe cardinal tant
que le (vrai) pouvoir politique ne veut toucher à rien ; mais en plus il a
dû y croire sincèrement à sa réforme de 2004, alors que le seul objectif,
c’était "donner l’impression de faire qq chose pour la sécu et pour
l’équilibre des comptes" afin de gagner la présidentielle, mais surtout ne
pas toucher à l’’essentiel, c’est à dire à l’économie de rente qu’est notre
système de soins ; les fondamentaux n’ont pas changé ; sa sortie à 3
milliards est soit un cri de désespoir face à la prochaine disparition
possible de la CNAMTS dans la réforme des ARS, soit un ballon d’essai pour
faire chanter ensemble les hypocrites réunis qui nous ont fait une
prestation parfaite dans le genre "vierge effarouchée"

La réforme qui se profile ("territoire et santé" et autres) d’ici un an ça va être un vrai cataclysme dans le landernau institutionnel ;
on va ré-gio-na-li-ser.
Moi je suis pour ; créer des ARS avec un vrai pouvoir opérationnel à la place des ARH, DDASS DRASS CPAM Service médical etc, avec des agences spéciales prévention, santé publique ou médecine du travail, je dis super !
A voir et entendre (de l’intérieur ou pas loin) les bataillons de "cheffaillons" bureaucratisés qui tremblent pour leurs devenir de l’an prochain , car il n’y aura pas de postes pour tout le monde, ça me rend presque gai (bien sûr j’exagère ...).

Sauf que l’on a oublié un petit détail : il ne faut jamais confondre les moyens et les objectifs : assurément, une régionalisation et une réforme institutionnelle est indispensable , MAIS ce n’est que le moyen d’une politique , et quelle est la politique du Président ???? Quel est l’objectif politique en matière de soins et d’assurance maladie ??? Vous savez vous ??? Moi non !

La privatisation ? La privatisation de quoi ? de la sécu ? elle est déjà privée vous êtes au courant non ? Depuis 1945 ...
La privatisation des radiologues secteur 1 qui gagnent 25000 euros net par mois ? La privatisation de la MGEN et autres mutuelles importantes toujours prêtes à donner des leçons de solidarité alors qu’elles se goinfrent sur la sécu, et qu’elles sont déjà privées régies par le code des assurances ? La privatisation des bénéfices de "big pharma" ?

Faudrait voir à relire le code de la sécu , de la santé publique et des assurances : depuis 2004 en France, une assurance santé n’a pas le droit de sélectionner sur le risque (diabétique ou cancéreux) ou le statut personnel (ouvrier métallo ou cadre dirigeant) ; l’Union européenne version actuelle (Traité de Nice) ou version peut être future (Traité de Lisbonne) c’est chacun fait comme il veut tant qu’il n’y a pas de sélection sur le risque ou de discrimination statutaire ....

Alors les autres assurances privées, où c’est qu’il vont faire leur beurre si c’est pas sur la sélection du risque comme au States ou dans les autres secteurs de l’assurance ?
Ben ils vont faire le boulot que la sécu ne fait pas ; ils vont gérer le risque sur l’offre et pas sur la demande ( à la condition d’avoir accès aux systèmes d’informations détenus actuellement pas la sécu) et ça va être très dur pour les rentiers de tout poils ....

Personnellement je ne crois pas un seul instant à cette hypothèse, et en aucun cas "une gestion" n’est un objectif politique.

Mon opinion, c’est que l’objectif de Sarko est le même que celui de ses prédécesseurs : ne pas toucher à l’économie de rente du système de soins ET présenter des comptes publics compatibles avec l’Europe (3% de déficit) et une réélection, donc ne rien toucher à la structure sauf à la marge en mettant la pression "de spectacle" sur les assurés (comme sur les arrêts de travail), et en redistribuant les cartes institutionnelles, ET modifier la structure du financement en espérant ne pas (trop) introduire justement les assureurs privés qui pourraient foutre un sacré bordel chez les rentiers ...

Je trouve cela absolument intenable , et cela va très mal se terminer, au minimum avec de très gros endettements (qui sont déjà ENORMES) c’est à dire par une réduction de notre liberté ....

Une autre politique est possible, ré inventant la solidarité et la recherche de la qualité des soins pour tous ; elle suppose aussi de véritables cataclysmes pour passer d’une économie de rente à une économie, au choix libérale ou administré (mais pour de vrai), en faisant le pari que les richesses enlevées aux rentiers du systèmes seront recréées dans d’autres secteurs de l’économie en plus grand nombre pour le bien de tous, etc etc ....

Didier Seyler

Vos commentaires

  • Le 2 août 2008 à 12:21, par Didier SEYLER En réponse à : ALD et réforme de la sécurité sociale : critiques et solutions.

    Additif de présentation au 2 août 2008 :

    Ce texte date du 3 juillet 2008, alors que le Directeur de la CNAMTS venait d’annoncer un plan d’économie de 3 milliards d’euros.
    Le plan incluait une diminution de certains remboursements pour les ALD et un « dégraissage » de celles-ci ; il y avait aussi un « coup » sur les hôpitaux, dont une menace à peine voilée de mise sous tutelle d’une centaine d’entre eux qui « déjantait » grave avec le déficit (112 millions d’euros pour les Hospices Civils de Lyon, 155 millions à Marseille pour l’AP-HM, etc.) , et aussi la baisse autoritaire du tarif de certains actes, comme de biologie .... (c’est curieux, personne n’a parlé de ces derniers points ...)
    Le texte, posté sur le forum des lecteurs de la revue Prescrire, est une réaction « agacée » par les commentaires convenus sur la sécu, les médecins conseils et généralistes, etc ...
    Le plan de Rockie à bien sur était enterré ;
    et le gouvernement vient de pendre de nouvelles « mesures contributives » des assurances complémentaires, égratignant à la marge les mutuelles qui font partie du système de rente ; toutefois « on » a bien précisé qu’il n’était pas question de partager le système d’information détenu par l’Assurance maladie, des fois que les complémentaires se mettent à faire de la gestion du risque, alors qu’ « on » se donne tellement de mal pour que la sécu n’en fasse pas !
    Didier Seyler