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L’empathie

dimanche 8 juillet 2012, par omedoc

L’empathie est connotée positivement. Un médecin sans empathie serait un mauvais médecin. Un psychopathe est défini comme une personne ne pouvant éprouvé de l’empathie.
Pourtant l’empathie (selon une certaine pratique/définition) peut avoir des effets néfastes en étant un obstacle à la guérison ou au changement, et l’absence d’empathie (selon cette même pratique/définition) peut guérir (instantanément).

Ma thèse est que l’empathie veut tout (et donc rien) dire. Qu’en appeler à l’empathie est souvent un moyen d’éviter de changer, et que le problème pour le médecin n’est pas d’être ou non empathique mais de guérir.

Les médecins (comme les non médecins) croient qu’il faut être "empathique" si l’on veut être un bon médecin. Le plus souvent l’absence d"empathie" témoigne de l’épuisement professionnel du médecin. Ça en est d’ailleurs le principal symptôme. Et cette absence d"empathie" est mal vécue par le patient.

Pourtant je connais des cas où la sincérité du médecin, la vérité froide, claire et nette "balancée" sans précaution au patient a eu un effet "salvateur".
D’une patiente tabagique qui a arrêté de fumer quasi instantanément alors qu’elle était en cours de séparation difficile.

"Tu es alors seul ! tu es livrée à toi même ! renvoyée à toi même ! « tu te démerdes ! » [1] sur le moment quant on [ = Le pneumologue] te dit très froidement : « dans 10 ans vous aurez la bouteille d’oxygène » tu te dis quel connard ! J’ai payé 75 euros ! J’ai eu un blanc dans mon cerveau ! S’il m’avait dit (ou quelqu’un dans mon entourage) : oui c’est difficile, je le sais, commencez progressivement... je continuerez actuellement de fumer..."

Bien sûr la vérité lancée à la figure peut aussi rajouter inutilement de la souffrance. Mais n’est-elle pas la seule possibilité de guérison.

En effet la demande "d’empathie" est souvent d’abord une demande de maternage, de réassurance, de déculpabilisation, de renforcement dans ses croyances et fonctionnement. Sera qualifié d’empathique le médecin qui accède à tous les caprices et cache l’horrible vérité qu’il s’agit bien de caprices...

Le médecin ne doit pas être empathique s’il s’agit de plaire et complaire au patient, il doit par contre être attentif.

Inversement, renvoyer le patient à lui même peut-être délétère s’il s’agit d’un réflexe de mauvaise humeur ou de saturation de la part du médecin.

ANALYSE

Empathie est un mauvais terme : terme flou, trop de connotations différentes, trop moralisateur (voir Exemple 2), Il faut le remplacer par écoute attentive (ou attention). L’émotion est suffisamment contagieuse pour ne pas en plus vouloir "souffrir avec" si l’on veut durer dans ce métier.

« L’empathie c’est la "capacité de se mettre à la place de l’autre et de ressentir ses sentiments et ses émotions. » [2]

« "Faculté de s’identifier à quelqu’un, de ressentir ce qu’il ressent." » [3]

La connotation d’empathie est aussi de souffrir avec. Les patients estiment que leur médecin est empathique s’il souffre avec lui, comme le christ "qui a souffert pour nous".

Nous sommes donc dans le registre du dolorisme.

En fait Il faut différencier l’attention à l’autre, la contagion de l’émotion et le fait de se mettre à la place de l’autre (= empathie).

Dans la relation médecin malade, l’attention à l’autre suffit, en particulier pour le comprendre. La contagion de l’émotion est néfaste (mais difficile à éviter sauf par la froideur). Se mettre à la place de l’autre me semble inutile (et impossible à faire sur le long terme). [4]

Il faudrait aussi étudier la compassion, la sympathie, l’intelligence psychologique.

L’attention, l’écoute attentive

je préfère ces termes, en référence à Simone Weil, qui enlèvent la référence religieuse et mêlent science et spiritualité.

« 
Non pas comprendre des choses nouvelles, mais parvenir à force de patience, d’effort et de méthode à comprendre des vérités évidentes avec tout soi-même.
 » [5]

Le rôle du médecin est de faire vivre les gens le plus longtemps possible sans handicap ni souffrance d’origine médicale.

L’examen du médecin doit être attentif s’il veut relever tous les symptômes même ceux qui sont tus. Il construit ainsi son intuition clinique.

Voir cet article

EXEMPLES

Exemple1 [6]

Titre : DEUIL CHEZ L’ADULTE. « Attentif et empathique, le MG est un accompagnant privilégié. »

« Face à un patient endeuillé, le rôle du médecin généraliste dépasse celui d’un prescripteur. Ce sont davantage ses qualités d’écoute, d’empathie et de pédagogie qui font de lui un accompagnement de premier plan. »

L’auteur a éprouvé le besoin de rajouter empathie à écoute et pédagogie. Il faut donc que le médecin souffre avec la personne pour pouvoir la soulager !?

Exemple 2

Citation :

Posté par A
Je ne veux pas paraître sans coeur, mais vous admettrez que 10 ans, c’est un peu long pour un syndrôme de stress post-traumatique. Je ne nie pas votre souffrance, mais il est peu être temps pour vous de passer à autre chose ? Pourquoi ne pas tenter de travailler dans un domaine qui vous tient à coeur, qui vous permettrait d’aider les autres et de gagner un peu d’argent par la même occasion.

Du grand n’importe quoi votre réponse.

Vous êtes du style à dire à un dépressif de se secouer ? Et à un obèse de penser aux petits Somaliens qui crèvent de faim ?

Bonjour l’empathie.

"Bonjour l’écoute attentive" ne fonctionnerait pas. Il n’y a pas équivalence entre les deux. La différence est l’attaque personnelle : "vous n’avez pas de cœur". Le mot empathie est en général utilisé en ce sens dans les forums.

Pire, "Bonjour le respect", ne fonctionnerait pas non plus. A mon avis la réponse d’Asthmagedddon est plus respectueuse de la personne que celle de Castor.

L’empathie dans ce sens c’est : plaignez-moi, maternez-moi, prenez pitié de moi, ne me demandez pas de changer car c’est trop douloureux. N’évoquez même pas la possibilité d’un changement car c’est culpabilisant et ça rajoute donc de la souffrance à ma souffrance.

Exemple 3 [7]

« 
Retenons surtout que la tristesse ne signifie pas nécessairement antidépresseur, que le respect et l’attention à la personne âgée, même démente, évite souvent le recours au neuroleptique ou au tranquillisant.
 »

L’auteur a évité le mot empathie : bravo !

Exemple 4

Si un malade dit je suis fatigué, un médecin "empathique" dira « reposez-vous », un médecin "non empathique", « essayez quand même de marcher ».

L’invigoration est vécu comme une culpabilisation et un manque d’empathie.


Exemple 5

lu ici
« Cette sagesse, qui réduit la part de l’affectivité, se retrouve également dans les sagesses orientales, comme dans le bouddhisme tibétain où l’idéal est de pas souffrir et donc de commencer à se tenir à distance de toute émotion, de toute sympathie, de toute empathie à la douleur d’autrui ; la sagesse est de demeurer en soi-même. Le sourire du Bouddha est le fruit de cette attitude de détachement monastique. C’est du haut de la maîtrise de soi que l’on se penche avec compassion sur le malheur du monde que l’on fuit.[....] Et pourtant, face à la mort d’un enfant, quelle mère, quel père pourrait consentir à ce discours ? Non vraiment, le mal déchire cette prétention à la sagesse et à la sérénité. »

Exemple 6

Philosophie magazine de sept 2009 : lexique du Tao.

"Quand à ses rapports avec les autres, s’il sait se montrer tolérant, le sage garde néanmoins ses distances : l’empathie et compassion sont nocives, car elles sont une source d’affection, d’aliénation et de manquements à l’indifférence dont le ciel offre le modèle. En toutes circonstances, le sage demeure imperturbable, tel Zhuangzi qui, alors que sa femme vient de mourir, chante en battant la mesure sur une écuelle ; il justifie son comportement en disant que la mort s’inscrit dans le prolongement de la vie, tout comme les saisons se succèdent (Zhuangzi, chapitre XVIII)."


Exemple 7

D’un médecin

[le médecin]... il
accompagne dans l’empathie et non dans la haine. C’est la différence
entre l’empathie et la compassion. Dans l’empathie, on partage la
souffrance sans partager le ressentiment, la haine, alors que dans la
compassion, on s’immisce dans l’autre, on devient l’autre et on ressent
pour le tiers le ressentiment et la haine, et on devient juge, et
bourreau, s’applique alors les jugements de valeurs, la morale qui
n’est jamais que vanité sans amour. La seule solution c’est l’empathie,
c’est l’amour.

Exemple 8

Empathie et relation avec le burn out

BROUILLON

http://www.jaddo.fr/2012/09/09/seule-et-mal-accompagnee/#comment-8450


[1C’est ce qu’elle entend de ce que dis le médecin

[2Définition trouvée sur internet

[3Définition du petit robert

[5Simone Weil. la pesanteur et la grâce

[6Revue du praticien Médecin générale 15 décembre 2008

[7Revue médecine 10 2008 au sujet des psychotropes après 80 ans.

Messages

  • L’empathie, n’est pas vraiment ce que vous décrivez, l’empathie c’est avoir la capacité émotionelle à ressentir l’émotion de l’autre. Elle est importante pour le soignant lorsqu’un patient souffre peut importe le maux, car cette capacité à détecter par le sentiment qu’autrui souffre est importante aussi pour le diagnostique et pas seulement. Ce qui n’entrave pas l’implication intelectuelle, la démarche logique pour enqueter sur la source de la "douleur"
    En aucun cas on se trouve dans la situation du dolorisme, à la rigueur, les religieuses dans un dispensaire donnant un soin, peuvent avoir par leur croyance ce genre de démarche...

    Je pourrai vous dire une situation dont on m’a parlé, pour une jeune fille qui subissait des rapports incestueux et pédophile, c’est le médecin traitant qui a découvert la source de malaise, somatisation, etc etc. en faisant parler la jeune fille de 11 ans. Elle exprimait un malaise d’ailleurs par le corps. Or une autre logique aurait pu l’amener à penser que parcequ’on est adolescent, on est sujet à ce genre de troubles, particulièrement pour la jeune fille qui avait perdu sa mère et qui était suivi par un psychologue. Or c’est par l’empathie, le fait qu’il ait été frappé par des gestes, ou des mots, qu’il a été touché et a sentis que quelquechose n’allait pas qui n’était pas connu, qu’il a pu entrer dans une autre logique, et poser les bonnes questions.

    Voilà un peu long tout de meme. C’est pour dire que pour sentir par le regard, le geste... que quelquechose fait souffrir, il faut de l’empathie, ce qui n’entrave en aucune manière l’observation médicale, et cela peut aider meme à chercher ailleurs. Il est évident que l’empathie ne peut etre constante, et continuel pour les dizaines de patients que l’on voit chaque jour.

    • « L’empathie, n’est pas vraiment ce que vous décrivez, l’empathie c’est avoir la capacité émotionelle à ressentir l’émotion de l’autre. »

      .

      Je dis à peu près la même chose, et là est le problème.

      « Elle est importante pour le soignant lorsqu’un patient souffre peut importe le maux, car cette capacité à détecter par le sentiment qu’autrui souffre est importante aussi pour le diagnostique et pas seulement. »

      .

      Pour moi l’attention à l’autre est suffisante pour détecter le sentiment d’autrui. pas la peine de le "ressentir" , et je dirai même plus qu’il faut éviter de le ressentir (mais c’est difficile car l’émotion est contagieuse).

      Il m’arrive parfois de pleurer devant ce que me raconte certaines personnes, mais pas parce que ce qu’elles racontent est particulièrement triste (je pleurerais tous les jours : les traumatismes psychologiques et sociaux sont fréquents et importants) mais parce que malgré tous leurs malheurs elle sont restées des personnes authentiques : pas de plainte, pas de ressentiment, intelligence de la situation, vérité de la personne. Cela ne m’aide en rien au diagnostic et à la prise en charge.

      Il est symptomatique que vous teniez absolument à ce terme. Pourquoi voulez-vous absolument que le médecin (mais aussi peut-être l’entourage) partage votre souffrance. Je ne crois pas que ce soit simplement pour qu’il pose les bonnes questions.

      Mais bon, je peux me tromper...

    • Si j’ai répondu à ce poste, c’est parce que nous avions eu une discussion à ce sujet ailleurs.

      Je ne pense pas que se soit symptomatique. Je dis juste que vous vous trompez puisque l’empathie est un processus qui permet d’identifier l’émotion de l’autre. Et réagir en fonction de l’émotion d’autrui pour son bien. C’est être capable de ressentir, de détecter, et avoir aussi des gestes de soignants.

      Avoir de l’empathie, c’est détecter que le patient a peur en entrant dans le bloc opératoire, et le rassurer de façon professionnel. "Nous sommes là, tout va bien s e passer, ne vous inquiétez pas"

      On ne peut pas faire son job froidement.

      J’ai beau avoir des soucis psychiatriques, tous mes propos ne sont pas forcément symptomatiques et peuvent être raisonnables.

      En tout les cas je n’ai jamais eu des médecin qui m’ont materné, quant à l’empathie, je ne sais pas si ils en ont eu.

      Peut être une fois justement quand on m’a tapoté le visage lorsqu’on m’anesthésie et que j’étais complètement apeuré.

      C’était d’un geste d’empathie, un soignant qui rassure son patient.

      C’est l’empathie qui permet la lecture de l’émotion, par une intelligence de l’ordre des sens, ce qui permet de par cette lecture pouvoir agir en fonction.

      Cela dit un bémol, l’empathie transcende la fonction. Avoirs de l’empathie, c’est pouvoir lire les émotions de l’autre, et agir en fonction de... (si on peut et là se sera une question de fonction, son propre rôle pour résoudre un problème, une volonté qui prend sa racine dans le fait d’être touché.

    • Je ne pense pas que se soit symptomatique. Je dis juste que vous vous trompez

      Il s’agit simplement de mon humble avis....