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Faits et résultats importants[version 0.25 du 27/01/2009][version 0.20 du 24/01/2009]

samedi 24 janvier 2009, par omedoc

Plus on multiplie les dosages sanguins plus on a le risque de trouver un résultat anormal sans aucune pathologie sous-jacente.

Voici la probabilité de résultat anormal en fonction du nombre de dosages demandés. [1]

1 => 5% 6 => 26% 15 => 54%
2 => 10% 7 => 30% 20 => 64%
3 => 14% 8 => 34% 30 => 79%
4 => 19% 9 => 37% 50 => 92%
5 => 23% 10 => 40% 100 => 99%

Dès 10 dosages la probabilité de trouver un dosage anormal sans aucune pathologie sous jacente est de 40% des cas !

Que les 10 dosages soient faits en même temps ou dans le temps.

Cette démonstration s’étend à tous les examens : biologiques, radiologiques, clinique, etc...

Un bilan systématique préopératoire comprend 32 examens.

Conclusion :
 D’où le danger des bilans systématiques
 il est impossible de rassurer un malade souffrant d’hypocondrie. Il demandera à multiplier les examens, on trouvera toujours un examen anormal un jour ou l’autre. D’où nouveau contrôle demandé.
 Si on a introduit un médicament sans avoir contrôlé le résultat, alors le médicament risque d’être à vie puisque la normalité du nouveau contrôle sera imputé au médicament, et qu’une fois qu’un médicament est prescrit il est très difficile de déprescrire.

Explication

Lorsqu’on lance un dé une fois quel est la probabilité d’avoir un six ? 1/6 = 16,6%
Si on le lance deux fois quel est la probabilité d’avoir un six au moins une fois : 1-(5/6)*(5/6) = 30%
Il faut passer par "l’inverse" en calculant d’abord la probabilité de ne pas avoir de 6, c’est 5 chances sur 6 au premier coup et 5 chances sur 6 au second, d’où (5/6)*(5/6) sur les deux coups. Etc pour n coups : 1-(5/6)*(5/6) n fois

Vu la variabilité de la vie, le cholestérol par exemple va varier naturellement chez un individu sans que ce soit pathologique [2]. Les chiffres de normalité du cholestérol ont été calculés de telle façon qu’on n’ait que 5% d’erreur : [3] c’est à dire que sur 100 dosages chez des sujets normaux on va en trouver 5 anormaux.

D’où les chiffres ci-dessus, qui doivent être pondéré par le fait que les dosages ne sont pas tous indépendants : par exemple, si on a une maladie hépatique, les transaminases et les gammaGT augmentent en même temps.

On peut trouver d’importantes anomalies radiologiques (radiographie, scanner ou IRM) sans avoir jamais souffert, et donc il ne faut pas imputer automatiquement une douleur ou un symptôme à une anomalie radiologique.

Un scanner systématique chez les militaires américains a retrouvé des hernies discales (on peut avoir des hernies discales même chez les sujets jeunes). La moitié des militaires qui avaient des hernies à la radiologie n’avaient jamais souffert.

Il en est de même pour les lésions tendineuses de la coiffe des rotateurs au niveau de l’épaule. Certaines personnes peuvent ne plus aoir de coiffe des rotateurs sans avoir souffert.

Il en est de même de l’arthrose. Elle peut être très importante radiologiquement sans avoir jamais souffert. C’est le cas en particulier de l’arthrose des doigts, elle ne fait pas obligatoirement souffrir. C’est aussi le cas du cou. [4]

La radiographie permet d’améliorer la satisfaction du patient, mais elle augmente la douleur à court terme chez les malades atteints de lombalgie.

Voir ici l’étude dans le journal BMJ qui le démontre

On en déduit que les examens radiologiques pour satisfaire ou pire réassurer le patient sont inutiles et parfois même néfastes : cet examen entraîne une majoration des douleurs et un moins bon état de santé à court terme. [5]. Par contre il sera satisfait du médecin et estimera que c’est un bon médecin. [6]

Nous avons un peu le même problème pour l’épicondylite qui améliore le résultat à court terme mais l’aggrave (en moyenne) à long terme. [7]

C’est pour cela qu’un bon médecin ne doit pas répondre obligatoirement aux attentes de son patient, et que le patient doit comprendre que la médecine c’est plus compliqué qu’il ne le croit.

Nos yeux ne voient pas ce qui va à l’encontre de nos opinions

En statistique il s’agit de biais de confirmation d’hypothèse : « Ce biais est une tendance naturelle qui nous pousse à trouver dans nos observations ce qui confirme nos théories ou croyances : nos yeux ne voient pas, notre cerveau ne croit pas, ce qui va à l’encontre des idées que nous cherchons à vérifier. Alors nous les écartons sans procès. Ainsi, le chercheur-expérimentateur rejette inconsciemment les résultats qui le dérangent. Au contraire, nous mettons en exergue le observations qui vont dans le sens de notre démonstration : le médecin qui teste un médicament écoute ses patients d’une oreille très différente selon qu’il croit ou non en l’intérêt de sa prescription. les effets positifs seront attribués au médicament alors que les ressentis négatifs seront "à coup sûr" dus à une cause extérieure, voire à une autre maladie. » [8]

Les conséquences sont multiples. Ce qui est vrai en science pour les hypothèses que nous cherchons à vérifier est encore plus vrai pour les opinions qui nous tiennent à cœur.

Lorsque nous avons des a priori, nous rejetons tout ce qui va à l’encontre de ces apriori et nous ne voyons que ce qui confirme cet a priori.

C’est pour cela que le médecin (soignant ou conseil) ne doit avoir aucun a priori lorsqu’il reçoit un malade.
 Par exemple si c’est un patient qui a la CMU, il ne verra que les quelques CMUistes qui abusent ou se comporte mal et pas les autres. [9]
 Autre exemple concernant les arrêts de travail, certains rares médecins sont très sensibles aux abus et peu aux travailleurs qui ne demandent pas d’arrêt de travail malgré une pathologie qui le justifierait. Le médecin risque de juger les demandes en fonction de toutes les histoires de chasse qu’il a vécu.
 En fait le biais d’observation pour le médecin concerne essentiellement son expérience médicale. S’il a eu un effet secondaire avec un médicament il ne verra que ça (la toux avec certains antihypertenseurs). S’il trouve une visiteuse médicale de laboratoire sympa, il aura inconsciemment une bonne opinion du médicament promu, et ne pourra qu’être content du résultat de ses prescriptions.

Voir mes article sur le déni, sur les généralisations abusives, sur les histoires de chasse.

Comment les riches peuvent ne pas payer d’impôts

Ancien article du canard enchaîné

Interprétation des résultats de prise de sang ou d’autres examens

Il ne suffit pas d’un nombre pour exprimer la mesure, il en faut deux : l’estimation la plus probable de la grandeur et l’intervalle à l’intérieur duquel elle a de grandes chances de se trouver, ce qu’on appelle un "intervalle de confiance".

les analyses médicales ignorent l’intervalle de confiance


[1Jean Pierre Boissel, revue médecine 10 2008

[2d’où d’ailleurs l’inutilité de chercher une signification à ces variations

[3D’où la nécessité de refaire un bilan avant de traiter

[4A noter qu’on peut avoir de l’arthrose sans jamais avoir porté du poids ni avoir reçu un traumatisme et même sans être obèse.

[5la seule justification de la radiographie est d’éliminer une lombalgie secondaire à une autre pathologie (tassement vertébral par exemple)

[6La lombalgie est un problème qui ne nécessite habituellement ni investigation technique, ni intervention médicale.

[7selon des études : voir mon article sur l’épicondylite

[8Dominique Dupagne revue médecine 10 2008 et probablement aussi sur atoute ou sur son site

[9D’où l’injustice des "bons" CMuistes qui vont être traités comme des "méchants" CMuistes

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