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Qu’est-ce que la dignité humaine ?[version 0.0]

jeudi 13 mars 2008, par omedoc

Le respect de la dignité humaine est un des fondements de la morale.

Passionante polémique dans le quotidien du médecin

Origine : les paroles de Pascal Champvert qui préside l’AD-PA.
“....Pascal Champvert réclame tout au moins un changement de regard sur la maladie et ses malades. « Il faudrait rappeler que les patients Alzheimer restent une chance, celle pour les familles de voir vivre leurs parents, leurs grands-parents, et non une charge. Et que c’est une chance éthique, mais aussi économique. Car leur coût est un moyen de rémunérer des professionnels, de créer des emplois. On sait bien que dans certains cantons, le premier employeur est l’établissement pour personnes âgées. Il faut changer de logique. »”

Premier courrier en réponse.
Mme S : « Ce monsieur a-t-il vu son père passer de l’humanisme raffiné à l’hébétude, à la grossièreté et à la violence ? A-t-il vu sa mère privée de toutes joies et de tout repos sur la fin de sa vie parce qu’elle refus de se séparer, après cinquante-cinq ans de vie commune, d’un époux graveleux dont elle doit se protéger en s’enfermant la nuit dans sa chambre ? Qui rêve de terminer sa vie décérébré, imprévisible et sale, objet de honte et de terreur ? Mr Champvert a-t-il conscience de la douleur individuelle des membres de l’entourage du malade quand ils sont confrontés à leurs propres limites ou à celles de leur emploi du temps, face à la dépersonnalisation d’un aîné qu’il faut, pour sauvegarder son conjoint, placer en engloutissant la totalité des retraites parentales, et des économies patiemment amassées par une vie de travail intègre ? A-t-il retrouvé son père aux soins bienveillants d’un benêt qui s’acharne à faire chanter "la vie en rose" à un groupe de loques humaines à qui un kiné agite les jambes cinq minutes par jour pour justifier son coût et escroqué par un généraliste véreux qui fait supporter ses frais de déplacement aux quinze patients dont il soigne les maux de gorge ou de constipation passagère à grands coups de thérapeutique abusive couverte par les cotisations sociales ? Quelle est cette société qui se targue de faire durer la vie de corps humains détachés de ce que fut leur personnalité, au nom d’une valeur marchande à côté de laquelle la paix de l’esprit ne pèse rien ? [1]
la maladie d’Alzheimer a généré ses parasites coûteux. N’y a t-il pas meilleurs usage à faire des deniers publics ?
 »

La deuxième réponse du Dr P à Pascal Chamvert en rajoute sur le côté économique : ".... Pour ne parler que de cette dernière [2], laissez-moi vous dire que si cette maladie "crée des emplois" elle est à l’origine de dépenses scandaleuses pour la société. L’abus des médicaments, des séances de kiné, des visites médicales inutiles est tel que la Sécurité sociale ne s’en remettra jamais."

La réponse de Mme J au propos de Mme S

« J’ai dû m’y reprendre à plusieurs fois pour lire jusqu’au bout vos propos publiés dans le courrier des lecteurs du "Quotidien du médecin" n° 8322.
Ce que je lis est inacceptable, inadmissible : aucune détresse, aucun épuisement aussi extrême soit-il dans l’accompagnement d’une personne malade ne peut justifier les propos haineux et définitivement rejetants que vous tenez à l’égard des personnes en perte d’autonomie (je me demande d’ailleurs où commence et où s’arrête pour vous la "liste" des personnes que vous excluez de l’humanité) et de votre proche en particulier... J’ignore évidemment ce qui vous amène à haïr et à rejeter à ce point tout ce qui de près ou de loin vous renvoie à la perte de ce que fut pour vous votre parent, mais sachez, Madame, que dans l’expérience (dont la mienne) de beaucoup de proches de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (et de bien d’autres maladies entraînant une extrême "dépendance"), il est possible d’y découvrir le sens d’une vraie humanité, celle de l’humilité, de l’acceptation de la souveraineté indestructible de chacun face à sa propre existence et à sa propre mort. Une humanité non raffinée, mais parfois brute de décoffrage - certes-, qui nous envoie la vie et la mort en pleine figure. Une humanité dépouillée de tous ces artifices. peut être était-ce un sens possible au mot chance employé par MP Champvert dont les propos vous ont tant fait réagir.. ; Le fait même d’englober toute personne en perte d’autonomie dans une sorte de magma indifférencié de "parasites" et de "loques humaines" est un mensonge insupportable que vous tentez d’imposer aux autres et à vous même.
 »


Mon commentaire (en cours de rédaction).

On ne pouvait que craindre la polémique. En effet Il y a des sujets sensibles sur lesquels toute discussion est impossible, car la personne ne peut accepter certaines opinions.
Mon interprétation est que l’opinion inacceptable est ici que les malades souffrant d’Alzheimer perdent leur humanité à partir d’un certain stade d’évolution de la maladie. Or cette opinion n’est pas du tout acceptée parce que injurieuse ou témoignant d’un manque d’humanité.
Si nous considérons que ce qui fait la dignité de l’être humain, c’est son "âme" ou quelque chose qui s’y apparente (j’y reviendrai), alors la personne garde sa dignité, même en état végétatif. Il n’empêche que son corps est poussière, et qu’il est devenu une prison, et que ce corps qu’on a devant nous, ce visage, peut ne plus exprimer son "âme". S’il n’y a plus de relation entre cet "âme" et les autres "âmes", ce n’est plus qu’un sac qui contient certes un trésor, mais ce n’est plus qu’un sac. Considérer qu’à partir d’un certain stade la personne est comme déjà comme morte puisque sans relation avec le monde extérieur, ne signifie pas que cette personne n’a pas une "âme". Elle reste un être humain et mérite le respect, mais son humanité est ailleurs.
Cette opinion est intolérable aux personnes qui n’acceptent pas la mort de leur proches. Comme si c’était mettre en doute leur amour. Or on peut et on doit aimer l’autre au-delà de sa présence corporelle et au delà de la mort. L’enveloppe charnelle ne doit pas être sacrée. La vie ne vaut plus rien lorsqu’elle se réduit à cette enveloppe. Ce n’est pas pour cela que l’on doit ne pas respecter ce corps, mais c’est pour cela que l’on ne doit pas prolonger la vie "artificiellement". Cette enveloppe est devenue totalement inutile. Quand madame S parle de "loque humaine" elle désigne l’enveloppe corporelle et non de l’âme de son père. C’est évident, et pourtant c’est mal interprété car le terme est trop violent pour une personne qui n’arrive pas à faire son deuil.
C’est pour cela que parler de chance pour la famille contredit l’expérience. C’est surtout une souffrance inutile pour tout le monde. Si certaines personnes estiment qu’elles peuvent communiquer jusqu’à la fin avec le malade, alors elles ont raison de penser que c’est une chance, mais ce n’est pas pour cela qu’elles doivent condamner l’opinion [3] (majoritaire d’après moi) des gens qui estiment qu’il n’y a plus de communication possible passé un certain seuil.


[1Voir mon article sur ce sujet

[2La « chance économique »

[3ici de façon violente