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La volonté [Version 0.00]

lundi 2 juillet 2012, par omedoc

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La volonté existe-t-elle ?

Soit on considère l’homme comme une machine, dans ce cas le concept de volonté n’est pas utile. l’action résulte d’un affrontement entre différentes motivations, certaines pouvant être qualifiées de valeurs morales, d’autres de motivations plaisirs. Sous cette hypothèse il n’y a pas non plus de liberté humaine [1] et donc de responsabilité, idem pour l’identité de la personne.

Soit on considère l’homme comme réunion d’une matière et d’un esprit. La volonté (et la liberté) est alors l’action de l’esprit sur la matière [2].

Il ne me semble pas y avoir d’autres possibilités, même si la conception mécanique peut être déclinée en sous hypothèses plus ou moins sophistiquées.

La volonté a donc à voir avec la responsabilité, la liberté.... Les décisions/actions ne sont pas des réflexes.

Mais ce qui pose problème dans la volonté ce n’est pas son existence, c’est son manque.

Lorsqu’on parle de manque de volonté on peut évoquer soit l’absence de liberté, soit sa faiblesse.

Voir l’article : "volonté d’agir" de la revue Prescrire

La force de la volonté

"Comme si je voulais forcer et que je n’y arrivait pas."

Lorsque la force est demandée à la volonté ; c’est qu’il y a conflit.

Certaines maladies se traduisent par une agitation dangereuse pour la personne et difficile à vivre pour l’entourage [3]. En maison de retraite [4] cette agitation est très mal supportée par le personnel et la solution de facilité est la prescription de neuroleptiques qui sont sensés être plus acceptables sur le plan éthique que la contention. Cependant ces neuroleptiques ne sont pas toujours efficaces et surtout peuvent avoir de graves effets secondaires [5] Une alternative est d’utiliser les "techniques de soins non médicamenteuses". Or il est difficile de convaincre les EHPAD d’utiliser ces techniques qui demandent une formation et apparemment de savoir perdre un peu de temps [6]. Les médecins coordonnateurs des EHPAD ne croient pas possible de lutter contre l’agitation sans neuroleptiques vu la charge de travail du personnel.
Récemment j’ai rencontré un médecin gériatre, attaché d’un EHPAD qui avait réussit à diminuer de façon très importante la prescription des neuroleptiques [7] sans utiliser à la place une technique particulière. Il avait simplement réuni plusieurs fois les équipes et avait discuté longuement avec elles. Il avait réussi à les convaincre au cas par cas d’arrêter ce traitement. Il n’y a pas eu de rebond des troubles, au contraire il y avait eu parfois amélioration. J’en déduis que contrairement aux autres médecins que j’avais rencontré, il avait une forte volonté de réduire ce traitement.

Et puis il y a la personne qui veut par exemple maigrir et qui n’y arrive pas.

Ces deux "volontés" sont totalement différentes. l’une est issue de la motivation l’autre est issue de la simple raison. Dans le premier cas il y a un conflit entre la force de l’habitude du personnel et la force de la motivation du médecin. Dans le deuxième cas le conflit est interne entre la raison qui dit non et la faim qui pousse au oui. Dans le premier cas s’il y a manque de volonté c’est par faiblesse de la motivation. Dans le deuxième cas s’il y a manque de volonté c’est parce qu’une motivation forte s’oppose à la raison. Dans le premier cas il faut renforcer la motivation (voir l’entretien motivationnel). Dans le second cas il faut diminuer la motivation ou la changer en une autre qui ne s’opposerait pas à la raison.

1° cas : "qui veut peut"
2° cas : "oui je le sais, ma raison me le dit chaque jour, mais la raison n’est pas ce qui mène l’amour" (de mémoire)

Le conflit interne est un conflit entre raison et passion mais peut-être aussi un conflit entre valeurs morales et passion.

"les Grecs désignaient l’absence de pouvoir, le défaut de maîtrise, la « faiblesse » de la volonté par le terme d’akrasia. De quoi s’aqgit-il ? Aristote, dans l’Ethique à Nicomaque, notait déjà que bien souvent un homme « est convaincu qu’il devrait faire une chose et néanmoins il en fait une autre ».

Si l’on admet que l’action n’est pas sans cause et, d’autre part, que ce qu’on juge être le mieux devrait normalement être choisi, comment expliquer cet étrange comportement ? il suit en effet autre chose que le meilleur, tout en le connaissant. l’intérêt de l’analyse de Davidson est d’abord d’établir combien cette situation est fréquente et d’écarter les explications de type moral ou psychologique. Ce n’est pas forcément par lâcheté, ni par désir du pire, ni en se dupant soi-même que l’on agit ainsi. c’est par l’effet d’une dissociation entre les raisons de nos actes, telles que nous pouvons nous les représenter, et les causes qui nous font agir. En l’occurrence, elles demeurent opaques. ici, conclut Davidson, « l’agent ne parvient pas à se comprendre lui-même ; il reconnaît dans son comportement intentionnel, quelque chose d’essentiellement sourd ».

Cette forme d’irrationalité ne sera pas expliquée par des mécanismes corporels.

Ricœur définit ainsi la volonté : “Il est essentiel de l’essence de l’acte volontaire de pouvoir être à la fois quelque chose comme un commandement - sur le possible, sur le corps, sur le monde - et quelque chose comme une obéissance à des valeurs reconnues, saluées et reçues.
Parler de volonté c’est alors parler d’une action demandant un effort douloureux [8] en obéissances à des valeurs "morales". La volonté est nécessaire lorsqu’il y a conflit entre le devoir et le plaisir.
Ce sera notre 3° cas.

Citations

« En quinze ans, le parquet n’a jamais poursuivi. Sans nous, aucun dossier ne serait sur le bureau d’un juge », se désole M. Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR). Pour lui, aucun doute : c’est un manque de volonté qui a permis à des suspects rwandais vivant dans l’Hexagone d’échapper à toute poursuite. « Les freins politiques étaient évidents, souligne-t-il, la droite et la gauche, qui cohabitaient au moment du génocide, ayant intérêt à ce que rien ne sorte de ces affaires. » [9]

« Excédé par le manque de volonté ou l’incapacité des autorités du pays à maîtriser les zones tribales, le président Bush avait autorisé les forces spéciales à opérer au Pakistan. » [10]

On parle aussi souvent de bonne et mauvaise volonté.

Attention il ne s’agit pas de mauvaise volonté au sens moral (voir ci-dessous) mais au sens pratique.

La "mauvaise " volonté est donc une volonté qui repose sur une motivation insuffisamment forte (1° cas) ou bien qui repose sur une motivation qui s’oppose à la raison (2° cas).

Volonté et morale

Juger d’un manque de volonté c’est émettre un jugement moral [11].

Le problème moral ne se pose en fait que dans le premier et le troisième cas.

Et dans le premier cas seulement lorsque il s’agit d’avoir une action morale.

D’où le manque de volonté vécu comme une culpabilisation.

Dans ces cas, pour renforcer la volonté il faut donc renforcer les valeurs "morales. Cela ne peut se faire à coup de matraques. La seule solution est de les approfondir.

Dans le deuxième cas on stigmatise le manque d’effort comme si c’était une valeur morale en soi : Fait un effort : tu devrais moins manger, tu devrais arrêter de fumer. Alors qu’il n’y a là aucun problème moral.

Citations :

"La tension entre injustice et malheur est le prisme à travers lequel le débat public sur la souffrance sociale est implicitement organisé. La tendance dominante dans nos sociétés est d’y voir tantôt un malheur dû à des forces abstraites (les « contraintes objectives »), tantôt un défaut moral des victimes (paresse, manque de volonté, refus de s’intégrer dans le corps social). Ces interprétations ont pour point commun d’éluder la question de l’injustice sociale."
 [12]

Comment renforcer sa volonté dans le deuxième cas

Lu sur un forum :

« Bonjour, je viens ici pour parler de la volonté. En effet, en me remettant en question sur le plan scolaire, j’ai pu constater que je manquais de volonté, c’est donc sûrement pour ça que j’ai la flemme de bosser en rentrant chez moi le soir.
En me renseignant sur le net, j’ai vu qu’il fallait bien définir ses objectifs et ses motivations pour pouvoir trouver la volonté de travailler . J’ai fait ceci. J’ai vu que la concentration jouait un rôle dans la volonté, je fais donc des exercices de concentration . Mais malgré ceci, je n’arrive toujours pas à trouver la volonté pour me mettre sur mes devoirs en rentrant chez moi le soir.
Existerait-il des exercices afin de développer sa volonté ?

(P.S : Si vous pensez que mon problème n’est pas un problème de volonté, n’hésitez pas à m’expliquer ou se situe mon problème). »

Réponse :

Il s’agit probablement d’un problème de motivation . ce qui est étonnant c’est que cet aspect soit occulté. Si on n’est pas motivé à faire ses devoirs (au double sens du terme), alors on a des problèmes de concentration, donc de mémorisation. La volonté, dans ce cas, c’est le sens du devoir (encore une fois). Les devoirs (d’écoles) ne doivent pas être vécus comme un devoir (obligation morale). . En effet, dans ce cas approfondir le sens du devoir a des limites.. Comment trouver de l’intérêt à ce qu’on nous demande de faire ?
1° essayer de rattacher l’activité à ce qui nous intéresse réellement ?
2° Rechercher quel intérêt pourrait avoir l’activité pour nous ?
3° Approfondir l’activité pour pouvoir changer notre regard sur elle. C’est ce que je fais avec mon site.

Charles pépin répond dans philosophie magazine d’octobre 2008 à la question : "Avoir de la volonté est-ce une question de volonté ?"

 Il explique que la volonté s’exerce, se travaille et qu’il est plus facile d’en user lorsque le pli est pris.
 Et que c’est moins une question de volonté que d’intelligence : il ne s’agit pas de vouloir plus mais de savoir quand vouloir : ni trop tôt, ni trop tard, au début, les premiers matins, après ce n’est plus de la volonté, mais de l’habitude. Non vouloir plus mais vouloir mieux, vouloir au bon moment....

Se donner une succession d’objectifs "faciles"
Dans le livre d’Alain, "Propos sur le bonheur", il écrit au chapitre "vouloir" : "jetez-vous comme lui dans l’action sans regarder plus loin que vos pieds, et vous sauverez vos ormeaux" [13]. Dans le film la mort suspendu, un alpiniste qui était tombé dans une crevasse et s’était fracturé la jambe s’en sort en se donnant une suite d’objectifs rapprochés : bouger d’un mètre, atteindre ce caillou, atteindre cet autre....

Brouillon

Elle a pris le taureau par les cornes avec beaucoup de fermeté et une grande présence d’esprit, disant que nous lui avions fait une peur bleue, avant de nous conduire au salon, où elle a failli s’évanouir quand le chef lui a annoncé que nous venions l’interroger sur Nellie Collins, qui était morte. Je ne crois pas avoir jamais vu une personne si près de défaillir et parvenir à l’éviter. Et pour une seule raison : par la force de la volonté. L’effort qu’elle à dû fournir faisait peine à voir... on aurait dit un ressort qui s’enroule sur elle même. Et elle a réussi son coup. Mais le plus extraordinaire a été l’effort de concentration qu’elle a fourni — les muscles de son cou étaient tendus à l’extrême, pourtant ses mains sur ses genou, sont demeurés tranquilles. Bizarre, voyez-vous, et preuve qu’elle a une grande capacité à se maîtriser. [14]

Se donner le droit de se laisser aller.

Nous pouvons être motivés soit par des valeurs (morales) soit par d’autres choses qui n’en sont pas : recherche du plaisir, instinct de survie...

Simone Weil parle de mobiles bas et de mobiles élevés. [15]

Sur cette même opposition on a Christine de Suède : "L’on peut se fier rarement aux hommes, mais l’on doit souvent se fier à leurs intérêts."

Sans porter de jugement moral, comme Simone Weil, la motivation plaisir est un autre déterminant important de l’action.

Application : voir l’article sur les arrêt de travail


[1On a pu dire que pour certains fumeurs la liberté d’arrêter n’existait plus

[2Cette hypothèse est forte (au sens scientifique) car elle sous entend la réalité d’un phénomène paranormal. Le vécu de la douleur n’est-il pas un argument en faveur de l’existence de l’esprit ? Peut-on imaginer la construction d’une machine, aussi complexe soit-elle, qui puisse souffrir ?

[3un comportement perturbateur

[4Ou pluprécisément en EHPAD (Établissement d’Hébergement des Personnes Âges Dépendantes)

[6pour en fait en gagner

[7Arrêt chez les patients ayant un Alzheimer. Pas d’arrêt chez les patients "psychotiques"

[8C’est donc tout le contraire d’un acte impulsif

[9Le Monde diplomatique sept 2010 : "France-Rwanda, le prix d’une réconciliation"

[10Le Monde diplomatique déc 2009 : "Drones, la mort qui vient du ciel"

[11C’est donc se prendre pour Dieu.... les jugements moraux proviennent en général de personnes qui dans la même situation que la jugé auraient le même comportement, s’ils ne l’ont déjà. Souvent ce sont les mêmes qui fraudent le fisc et qui n’hésitent pas à critiquer "ces fraudeurs de Rmistes". Ce sont les mêmes qui pinaillent sur les heures de travail et dénoncent les collègues qui se la coulent douce.

[12Le monde diplomatique octobre 2007 : "Travail, chômage, le temps du mépris." Par Noëlle Burgi

[13Il s’agit de lutter contre une invasion de chenille pouvant tuer des ormeaux centenaires

[14Patricia Wentworth. un troublant retour.

[15S’il est vrai que la même souffrance est bien plus difficile à supporter par un motif élevé que par un motif bas (les gens qui restaient debout, immobiles, de une à huit heure du matin pour avoir un oeuf, l’auraient très difficilement fait pour sauver une vie humaine)... Queues alimentaires. Une même action est plus facile si le mobile est bas que s’il est élevé. les mobiles bas enferment plus d’énergie que les mobiles élevés. Problème : comment transférer aux mobiles élevés l’énergie dévolue aux mobiles bas,” Dans "La pesanteur et la grâce".