Accueil > Questions sur la médecine > Opinion personnelle sur certaines questions médicales > Réservé médecins prescripteurs > Information du patient > Information du patient [version 0.00]

Information du patient [version 0.00]

dimanche 22 août 2010, par omedoc

1° Informer pour éclairer

2° Informer pour faire comprendre

3° informer pour faire choisir

Les dérives de l’information éclairée :

Le quotidien du médecin 14 février 2008 ? « Conduite à tenir face à un nodule thyroïdien. » [1] Quand et qui opérer sachant
 que “le traitement chirurgical comporte une morbidité récurrentielle de l’ordre de 1% et une morbidité parathyroïdienne (en cas de chirurgie bilatérale) de l’ordre de 5-6%. Les autres complications sont exceptionnelles. les indications du traitement chirurgical varient beaucoup d’un service à l’autre. [2]
 qu“il n’y a pas de différence significative de survie pour les nodules uniques froids (cancéreux) opérés en deçà de 2cm. En conséquence, on pose l’indication opératoire à partir de cette taille, si la cytoponction est suspecte, s’il y a des antécédents familiaux ou si le malade préfère l’intervention au doute.

Il faut lire ce qui est souligné ainsi : En cas de nodule froid, inférieur à 2 cm, il peut s’agir ou non d’un cancer mais la chirurgie n’a pas démontré d’efficacité pour prolonger la survie. Dans ce cas on peut, selon Le médecin qui a écrit l’article, laisser le patient choisir.

En cas de doute scientifique sur l’efficacité d’un traitement, dans quel cas peut-on laisser le choix à la personne de se traiter ou non ?
Ici la maladie est potentiellement grave mais l’intervention chirurgicale comporte un risque de lésion du nerf récurrent. et probablement le risque de toute anesthésie générale.
A mon avis, si on laisse le choix, la majorité des personnes préfèreront l’intervention au doute : [3]
 dans le cas ci-dessus = traitement à risque mais maladie type cancer.
 Bien sûr, dans le cas ou le traitement est sans risque et la maladie grave : d’où les dérives patamédicales et les gaspillages.
 Mais aussi probablement dans le cas où le traitement est sans risque et la maladie bénigne mais "gênante", d’où les mêmes dérives que ci-dessus ;

Pire certains voudraient laisser le choix aux patients en cas d’acte médical non recommandé par les conférences de consensus. C’est le cas du dépistage du cancer de la prostate par le dosage du PSA. [4]

Texte proposé par un médecin :

Formulaire de consentement éclairé Dépistage du cancer de la prostate

Vous avez souhaité bénéficier d’un dépistage du cancer de la prostate par un toucher rectal et un dosage des PSA dans le sang.

Ce dépistage n’est actuellement conseillé ni par la Haute Autorité de Santé française, ni par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Il est au contraire prôné par l’Association Française d’Urologie, par l’Académie de Médecine, et par certains cancérologues.

Face a cette controverse, il est nécessaire que vous preniez connaissance des informations ci-dessous avant de vous décider pour ce dépistage du fait de ses conséquences potentielles.

Les autorités qui ne recommandent pas le dépistage s’appuient sur les faits suivants :

 Malgré des études ayant porté sur des centaines de milliers d’hommes, aucun impact de ce dépistage sur l’espérance de vie n’a pu être mis en évidence.
 Ces mêmes études ne permettent pas d’emporter la conviction sur une éventuelle diminution de la mortalité spécifiquement liée à ce cancer car elles comportent trop d’inconnues ou d’imperfections.
 Quand bien même une baisse légère de la mortalité par le cancer de la prostate serait avérée, il est toujours possible que le dépistage augmente la mortalité par d’autres causes, annulant ainsi le bénéfice du dépistage.
 Les effets collatéraux du dépistage et du traitement de ces cancers constituent en revanche une certitude et sont extrêmement lourds : impuissance, incontinence essentiellement. Ces complications concernent de nombreux hommes qui n’étaient en fait pas concerné par ce cancer. C’est ce que l’on appelle le surtraitement.

Les urologues qui recommandent le dépistage revendiquent une baisse de la mortalité par cancer de 20% observé dans une des études disponibles, en considérant que les inconnues et imperfections de cette étude n’en altèrent pas la portée. Ils pensent qu’un cancer doit systématiquement être détecté et traité.

Il peut vous paraître curieux qu’il existe un débat sur le dépistage du cancer, mais les choses sont moins simples qu’elles y paraissent.
La présence de cellules cancéreuses dans la prostate est très fréquente : la moitié des hommes de 60 ans en sont porteurs alors que seulement 3% feront réellement un cancer de la prostate. Chercher de telles cellules revient souvent à les trouver alors qu’elles n’auraient jamais fait parler d’elles. Du fait des conséquences graves du traitement du cancer de la prostate, une telle découverte inopportune n’est pas forcément une bonne chose pour le patient. De plus il arrive fréquemment que des petits cancers de la prostate émettent très tôt des métastases dans l’organisme ; dans ce cas l’ablation ou l’irradiation de la prostate ne permet pas la guérison et le dépistage n’est pas non plus un bénéfice pour le patient.

Le dépistage repose actuellement sur le toucher rectal, qui permet au médecin de percevoir un éventuel nodule cancéreux à la surface de la partie palpable de la prostate, et sur le dosage des PSA (Antigène Spécifique de la Prostate, inversé en anglais). Les PSA sont dosées dans le sang et sont évocatrice d’un cancer si elles sont élevées. Dans de très nombreux cas, les PSA peuvent être élevées sans qu’il existe un cancer. Dans le cadre du dépistage, des PSA élevées, surtout si elles s’élèvent régulièrement lors de dosages itératifs, conduisent à des biopsies de la prostate pour rechercher un cancer au microscope.

Votre médecin pourra vous fournir plus de renseignements sur ces éléments et vous donner son point de vue personnel lors d’une consultation spécifique, mais c’est à vous de prendre votre décision sur ce dépistage qui engage votre avenir et votre responsabilité.

Je soussigné, informé des avantages attendus et des risques associés au dépistage du cancer de la prostate, désire bénéficier

|_| D’un toucher rectal
|_| D’un dosage des PSA dans le sang

Signature précédé de la mention manuscrite "J’ai lu et bénéficié d’explications suffisantes par mon médecin".

Ma réaction à ce texte :

Recommandable ou non recommandable (selon les conférences de consensus) : Il ne faut demander au patient de trancher un désaccord médical.

Quel est le but de l’information éclairée ?
 D’abord c’est une obligation (légale et morale) devant tout acte médical même unanimement recommandé.
 Ensuite il s’agit parfois de proposer un choix non pas entre ce qui est médicalement justifié et ce qui ne l’est pas mais entre deux solutions également médicalement justifiées.
 Le point de vue personnel du médecin n’a strictement aucun intérêt. Il faut une information éclairée neutre. Il faut donc une information éclairée type qui fasse l’objet d’une conférence de consensus.

En ce qui concerne le dépistage du cancer du sein, si j’étais une femme je ne me ferais pas dépisté, cependant le consensus actuel semble-être pour le dépistage.

Par contre, en tant que médecin je suis pour l’information éclairée. Concept
qu’il faut préciser+++

1° Tout le monde est d’accord pour dire que dans la décision de dépistage ce
qui compte c’est l’information éclairée (et non la persuasion !) : c’est à la
personne de choisir librement "en toute connaissance de cause".

2° Tout le monde devrait être d’accord pour dire que notre opinion perso n’a
aucune valeur dans cette histoire. Elle ne doit pas faire partie de
l’information éclairée donnée, même si elle peut être énoncée dans certaines
conditions... Ceci peut d’ ailleurs être à l’origine d’un mal être chez le
médecin s’il n’a pas bien analysé le problème...

3° L’information éclairée consiste à transmettre l’opinion de la communauté
scientifique : reste à la définir/constituer pour asseoir sa légitimité.

4° L’avis de la communauté scientifique repose sur une interprétation de
résultats statistiques et une méthode de décision pour aboutir à un
consensus. A partir des mêmes données certains experts (et donc a fortiori
"patients") pourraient prendre une décision contraire au "consensus" (ce qui
est souvent les cas des prof qui n’ont pas participé à la conférence de
consensus). En pratique, il est difficile/impossible de faire faire à un
"patient" tout le travail de décision à partir des données brutes, seule
condition pour que la décision soit vraiment éclairée.

5° De toute façon, dans tous les cas, soit le patient adhère à l’avis de la
"communauté scientifique en général", soit la décision sera prise sur des
arguments irrationnels ("La voisine est décédée récemment du cancer")

6° L’avis de la "communauté scientifique", et donc l’information éclairée à
donner, devrait pouvoir changer rapidement en fonction des données
nouvelles. Il faudrait donc pouvoir mettre en place une veille
scientifique...

7° les conditions dans les quelles le médecin peut donner son avis, c’est
exclusivement à la demande (directe ou indirecte) de la personne, tout en
sachant que nous quittons le coté rationnel de la "force" pour aller du côté
obscur. Non pas parce que l’opinion du médecin serait irrationnelle, mais
parce que la personne qui "aime" son médecin voudra faire comme il dit...

8° Le gros problème reste lorsque l’avis de la communauté scientifique est
manifestement erroné ou incomplet aux yeux du médecin. Celui-ci est alors en
droit de le dire à la patiente, mais il faut qu’il justifie sa position sur
des arguments compréhensibles par la patiente et suffisamment forts pour, par
exemple, se parer de toute attaque en justice si ça tourne mal... Il est à
noter qu’on peut plus vraisemblablement être attaqué si on n’a pas proposé le
dépistage (comme préconisé par la communauté scientifique) (voir ce qui se
passe avec le PSA), que l’inverse... Pour le PSA l’information éclairée à
donner est simple : il n’y a pas d’avis de la communauté scientifique sur le
sujet car c’est trop controversé ! Reste le problème : doit-on accéder dans ce cas à la demande du patient ?

En pratique ?

Sous prétexte d’EBM, il ne faut pas tout le temps laisser le choix au patient. L’EBM c’est par exemple
 laisser le choix au patient du niveau d’antalgique en cas de souffrance,
 de bénéficier d’une infiltration ou pas en cas d’épicondylite.
 de bénéficier ou pas d’une vaccination ou d’un dépistage recommandé..

Autant je suis d’accord pour laisser le choix de la mammographie de dépistage du cancer du sein (tout en étant contre) autant je ne suis pas d’accord pour laisser le choix du PSA de dépistage. La différence étant que dans un cas il y a (malheureusement à mon avis, mais mon avis ne doit pas compter !) un consensus pour le dépistage et dans l’autre il y n’y a pas de consensus ! Si on commence à laisser le choix du patient entre des décisions non médicalement justifiées, où va-t-on ? quand s’arrêter ?

Ça c’est la philosophie qu’il faudrait avoir, En pratique, vu la pression actuelle, vu les risques, vu l’absence de certitude comme l’a expliqué jean Pierre, Il faut savoir ne pas imposer ses certitudes, il faut laisser le choix du dépistage par PSA.

Il faut donc laisser le patient décider in fine du dépistage par PSA, non pas parce qu’il faut respecter ses préférences au sens de l’EBM, mais parce que c’est prendre un risque inutile d’aller contre le "désir" du patient.

"De toute façon je pense qu’il faut laisser une large autonomie au patient, d’une manière générale..."

Que veut dire concrètement laisser une "large autonomie" et/ou respecter les "désirs" de la personne. Si cela veut dire qu’on ouvre tous les choix, qu’on laisse décider le patient sur tout, on rentre rapidement dans une relation commerciale.
— "Docteur, j’ai mal au dos depuis, hier, je veux mon IRM comme tout le monde, d’ailleurs je l’ai lu sur sur internet..."
— Oui mais je ne suis pas d’accord, et ça ne sert à rien... bla bla, bla bla... il faut attendre encore 5 semaine..
— 5 semaines !! Docteur c’est mon choix ! Et d’ailleurs je connais quelqu’un à qui le médecin n’avait pas fait d’IRM, et qui avait pourtant une hernie..
— Oui mais ça ne sert à rien de savoir actuellement si vous avez ou non une hernie..
— Alors vous ne savez pas ce que j’ai ! Moi ça m’intéresse beaucoup de savoir si j’ai ou non une hernie ! Je cotise depuis longtemps pour les autres et j’ai presque jamais été malade... j’ai droit à mon IRM !
— Bon ben d’accord, et je vous prescrit du paracétamol
— Et attention pas de générique, car je ne supporte pas, et ça marche moins bien... je ne veux pas un médicament au rabais... je veux ce qu’il y a de mieux pour moi...
— Bon d’accord, Doliprane non substituable... Vous êtes content ?
— Et la tension... vous ne me la prenez pas ? Il me faudrait aussi une prise de sang, il y a un an que je ne l’ai pas faite... Et n’oubliez pas le mauvais cholestérol comme la dernière fois...
— ...
— Merci Docteur, vous êtes un bon docteur, vous au moins, vous savez écouter les malades... Euh je vous dois quelque chose ?

Voilà un exemple de consultation qui risque de se généraliser si on laisse le patient décider de tout sur tout....

J’essaye de préciser le sens du concepts de préférence au sens de l’EBM. Tenir compte des préférences du patient ce n’est pas dire oui à tout... ce n’est pas tenir compte de tous les désirs du patient. Quel est alors la limite ? Sachant quelle est de plus en plus repoussée vers le patient consommateur, du fait de la perte de confiance et de la perte d’autorité généralisée, en particulier par rapport à la science aux experts, mais aussi aux médecins généralistes...

Sur le plan relationnel, prescrire un dosage du PSA à la demande du patient tout en lui expliquant qu’on n’est pas d’accord, me semble assez dévalorisant pour soi-même. Cela crée par ailleurs un précédent. Il ne faut pas s’étonner ensuite si ça se répète et se généralise... [5]

C’est pour cela que la seule position tenable (à mon très humble avis), c’est de se réfugier derrière l’autorité du consensus actuel sur la question. Voir d’ailleurs le texte ci-dessus :

"Vous avez souhaité bénéficier d’un dépistage du cancer de la prostate par un toucher rectal et un dosage des PSA dans le sang.

Ce dépistage n’est actuellement conseillé ni par la Haute Autorité de Santé française, ni par l’Organisation Mondiale de la Santé. Il est au contraire prôné par l’Association Française d’Urologie, par l’Académie de Médecine, et par certains cancérologues."

Pour le cas du PSA je conteste le fait de mettre un poids équivalent entre les tenants du oui et ceux du non. Il serait préférable de parler d’un consensus pour le non opposé à une pratique généralisée malgré tout du dépistage..

Si le patient demande son propre avis, se réfugier derrière l’avis des experts. "Mon avis n’a pas d’importance, je ne suis pas aussi spécialiste de la question que le groupe d’experts qui est contre, mais pour moi-même je suis d’accord avec ces experts et je ne fais pas de dépistage..." Il faut remettre de la confiance et de l’autorité dans le lien social. Il faut redonner de l’autorité à la science. Je ne parle pas de la confiance en la science puisque la science n’a rien à promettre.

Si on prescrit sous la demande réaffirmée c’est le groupe d’expert qui est dévalorisé et non soi-même.

On ne peut donc à mon avis présenter cela comme une information éclairée ou un "consentement éclairé" à décider contre les recommandations actuelles... Ce n’est pas au patient à trancher lorsque la science à déjà tranché.

Si les recommandations actuelles c’est non, alors le patient n’a pas le choix... Et si cependant il fait pression pour aller contre les recommandations, alors le médecin décide selon les cas. Comme l’a dit J.P. on n’a pas démontré son utilité mais on n’a pas démontré qu’il ne fallait pas dépister. De plus ce dépistage est généralisé et prôné par quelques spécialistes, enfin les décision judiciaires sont pour le dépistage... Alors...!

Histoires vécues :

EX1 : docdu16

EX2:docdu16


[1Dr Serge CANASSE

[2Cette variabilité est-elle acceptable ? Comment l’expliquer ? la cause en est elle le chirurgien plus ou moins interventionniste, ou le patient plus ou moins "éclairé" ?

[3Affirmations à démontrer

[4Ce que je veux dire c’est que prendre en compte les préférences du patient (l’EBM) ne concerne pas tous les choix médicaux possibles, mais seuls ceux qui sont validés.
Le dosage du PSA en dépistage n’est pas validé et donc ne devrait pas être proposé au choix comme le proposent certains urologues, et ne devrait pas être remboursé dans cette indication.
Il n’empêche qu’en l’état actuel il est impossible de refuser une demande de dosage de PSA. C’est pour le médecin prendre un trop grand risque...

[5Le patient risque d’interpréter la prescription comme une faiblesse du médecin : il n’est donc pas sûr de lui, de ses convictions...? Par ailleurs le médecin vit cela très mal, me semble-t-il... car "dire non" est un problème...