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Paroles d’usagers / maux de patients

vendredi 11 mai 2018, par omedoc

D’une patiente, suite à ma fin de repos : "Je fais appel à votre clémence afin que votre décision soit reportée de 10 jours."

Je demande à un patient si ça s’est aggravé ?
 "ça ne s’arrange pas !"[= tout le contexte : l’arrêt de travail, les médecins qui ne trouvent rien pour l’aider]

J’insiste...
 "c’est au médecin à le dire !"

[très souvent à une demande du type comment ça va, la personne répond : mon médecin ou le scanner dit que...]


D’une fibromyalgique : "je ne suis pas dépressive car j’ai des raisons objectives d’être triste"

[Comme c’est vrai ! Je n’aurais pas pu mieux trouver comme "définition" de la fibromyalgie. Un auteur a parlé de "para dépression".]


D’une personne lombalgique et dépressive : elle envisage l’hypothèse que la lombalgie l’ait "autorisée à pleurer". Et c’est pour ça qu’elle durerait..

D’une convoquée entrant dans mon bureau : "je sors de chez le kiné, je me demande si je suis la même".

D’une personne qui demande à bénéficier d’un séjour en maison de repos : "Est-ce que je peux être hospitalisée chez ma mère"

D’une personne voulant retravailler contre l’avis de son médecin du travail : "Je ne suis pas apte à m’arrêter de travailler".

Dune personne demandant l’inaptitude. Le mari qui l’accompagne argumente en faveur de l’inaptitude et à une de mes questions sur la pathologie rhumatismale dit : "je ne sais pas si le médecin a voulu nous faire plaisir, mais il a dit qu’elle ne guérirait pas..."

D’une personne en arrêt de travail et peu volontaire pour la reprise : "les médecins me baladent."


Mme X est en arrêt de travail depuis un an suite à une pathologie dégénérative de l’épaule. Cette pathologie a été déclarée en accident du travail, mais n’a pas été reconnue administrativement à ce titre. Elle a contesté la décision et doit passer au TASS. L’arrêt de travail est justifié en maladie. Au bout d’un an elle se plaint peu de son épaule, mais essentiellement de ne pas avoir le moral. Elle est en effet au bord des larmes. Je lui demande pourquoi elle est déprimée ? Elle me répond qu’elle a peur "qu’on la passe en maladie" (elle ajoute qu’elle ne toucherait plus la totalité de son salaire comme actuellement !) Or elle est déjà en maladie !

Il y a erreur de raisonnement par confusion des domaines. Elle confond la reconnaissance médicale par son médecin traitant qui lui a dit qu’il s’agissait bien d’un accident du travail (et donc que : tant qu’elle souffrait "elle était en" accident du travail), et la reconnaissance légale et administrative par la sécu.
Cet erreur est très fréquente. Lors d’une discussion avec un collègue sur l’objectif du médecin traitant, mon opinion était que son objectif principal était de guérir. Son opinion était que le seul objectif du médecin devait être de soigner, car vouloir guérir les gens relevait d’un sentiment de toute puissance de la part des médecins.
Il y a la confusion entre l’objectif que l’on se donne et le sentiment avec lequel on essaye de l’atteindre. On peut, et s’est même recommandable, essayer d’atteindre un objectif élevé avec humilité.

Je lui ai donc expliqué qu’elle était déjà en maladie, et qu’elle ne devait donc pas avoir peur d’y passer. La compréhension a été difficile. L’énonciation du fait et quelques éléments n’ont pas suffit. Il m’a fallu développer et cumuler les arguments. Pourquoi avait elle des difficultés à comprendre ? [1]. La peur de "passer en maladie" n’était pas la vrai raison. D’ailleurs, le fait de la rassurer sur ce sujet ne l’a pas soulagé. La vrai raison était peut-être qu’elle avait 57 ans, qu’elle travaillait comme agent d’entretien dans une clinique depuis 41 ans, et qu’elle ne savait quoi faire de tout le temps libre qu’elle avait devant elle. Elle remplissait son vide intérieur en donnant un objet à son angoisse, sur lequel ressasser : la non reconnaissance administrative en accident du travail. Elle m’a d’ailleurs dit que lorsqu’elle travaillait elle était heureuse. La prise de conscience de l’exagération des conséquences de cette non reconnaissance AT l’aurait ramené à son vide intérieur. Lorsque le problème administratif sera réglée, elle cherchera un autre objet à son angoisse. Le traitement dans ce cas est de l’aider à trouver un sens à sa vie.

On a ainsi Le conflit avec la sécu, le mal être interne, La pensée de sa souffrance.


[1Il y avait peut-être une altération intellectuelle (début d’Alzheimer)