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"les médecins peuvent "abuser" tranquillement"

jeudi 6 novembre 2008, par omedoc

Article ancien reprenant un article d’un journal régional

Ces médecins () qui fraudent et qui abusent de la Sécurité sociale

Opérations chirurgicales surcotées, fausses consultations, cartes Vitale utilisées abusivement : même si elle est marginale, la fraude à la Sécu existe aussi chez les médecins. Enquête dans () où les services de contrôle des professionnels de santé manquent cruellement de moyens.

Imaginons un chirurgien qui pratique une opération de l’appendicite, mais facture à la Sécurité sociale, sous un autre nom de code, une opération beaucoup plus coûteuse. Le patient ne s’en rendra pas compte : d’abord parce que la majorité des gens ont un tiers payant pour la chirurgie, ensuite parce que leur décompte de Sécu ne mentionnera pas directement la nature de l’opération mais un code. La Sécu, du reste, ne le saura pas non plus, secret médical oblige, à moins d’envoyer un médecin conseil vérifier les compte-rendus opératoires du praticien.

Ni vu ni connu

Il y a quelques mois, le conseil national de l’Ordre des médecins a sanctionné un chirurgien d’une clinique privée de () qui pratiquait couramment des "surcotations" d’actes. Bilan : quinze jours de suspension d’activité qu’il effectuera prochainement. Si aucun de ses patients ne tombe sur l’avis placardé conformément à la loi dans les caisses de Sécu du département, la fraude restera inconnue du public.

Même chose pour ce généraliste qui a tendance à abuser de la carte vitale de ses patients. Ce praticien soigne à 90% des personnes couvertes par la CMU, de milieu très modeste, parfois même illettrés. Grâce à leurs coordonnées conservées dans son ordinateur, le médecin invente d’impressionnantes séries de consultations fictives, parfois 40 dans la même journée, parfois même le week-end et les jours fériés. Là aussi, le tiers payant associé à la CMU rend la chose impossible à remarquer pour les patients. Cette fraude, également commise dans (), est en cours d’instruction devant le Conseil régional de l’Ordre.

Dopage de virilité

Tout comme le dossier de cet urologue audois ayant effectué pour un patient septuagénaire une intervention destinée à "doper" sa virilité. Celle-ci n’est pas remboursée par la Sécu ? Qu’à cela ne tienne : elle passera sous forme de plusieurs consultations&

Trois exemples véridiques, trois pratiques qui sont peut-être plus courantes que l’on croit. Mais ces escroqueries à la Sécu ont fort peu de risques d’être démasquées.

D’abord parce que l’assurance maladie manque cruellement de moyens pour contrôler les médecins. Sur des douze praticiens employés au service médical de la CPAM de l’Aude, la majorité est affectée au contrôle des assurés, débordée de travail, depuis que des consignes strictes ont été données pour traquer en priorité les arrêts maladie abusifs. Il ne reste donc qu’un seul médecin conseil pour contrôler les 4000 professionnels de santé audois (médecins, infirmières et kinésithérapeutes) et encore doit-il donner un coup de main à ses collègues pour contrôler les arrêts maladie. Résultat, selon nos informations, à peine 20 praticiens contrôlés par an, repérés notamment grâce à des statistiques comme celle des 60 actes par jour, chiffre au-delà duquel l’activité peut sembler suspecte.

Interdit de contrôler

Par ailleurs, la hiérarchie même de l’assurance maladie n’hésite pas à demander à ses agents de laisser tranquille les médecins. Dans un mail, envoyé le 10avril dernier aux caisses départementales, la caisse nationale demande clairement aux contrôleurs de ne s’occuper que "des comportements suspects de fraude (et non pas suspects de fautes ou d’abus)". Autrement dit, et jusqu’à nouvel ordre, les médecins peuvent "abuser" tranquillement&

Dans un contexte sensible, les services de la Sécu préfèrent rester discrets ; devoir de réserve oblige. Mais la colère gronde. Dernièrement, le directeur de la CPAM de Nantes a démissionné. Claude Frémont avait eu le malheur de dénoncer publiquement des pratiques un peu trop courantes chez les médecins.
La direction nationale a, du coup, lancé un audit sur sa caisse. Dans les conclusions de cette enquête, on peut lire : "le contrôle des professionnels de santé (& ) risque d’altérer au plan local la lisibilité de la doctrine nationale". Cette doctrine qui veut que le déficit de la Sécu soit d’abord creusé par les patients. Jamais par les médecins.

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