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Analyse de l’affirmation : "la mondialisation est un fait" [version 0.00 du 22/03/2009]

dimanche 25 novembre 2007, par omedoc

Application de mon modèle d’analyse des faits aux fréquentes affirmations du type : "la mondialisation est un fait".

Fait et vérité :

Cette affirmation est développée sur le site nommé significativement "les 4 vérités".

Il s’agit donc de donner, à une affirmation, la force d’une vérité [1] , en la qualifiant de "fait" ;

Pour l’affirmation : "ce n’est pas une doctrinale morale", voir le post scriptum.

Fait construit ?


Mais il est troublant de constater à quel point les élites de ce pays comprennent mal le phénomène de la mondialisation. Tout se passe comme si elles ne parvenaient pas à le voir comme un fait, confondant systématiquement le fait incontestable et probablement irréversible de l’augmentation des échanges internationaux avec une idéologie.

Si on qualifie une affirmation de fait cela donne une coloration d’objectivité et permet d’éliminer toute suspicion d’idéologie. première question à se poser : la mondialisation, c’est à dire pour l’auteur de l’article "l’augmentation des échanges internationaux" n’est-il pas un fait construit, et donc une manipulation en vue de défendre des valeurs idéologiques ? L’augmentation des échanges est un fait construit puisqu’il faudrait préciser quelle augmentation ? entre quelle et quelle date ? entre quel pays et quel pays ? et échanges de quoi ?

Bien définir le fait invoqué

Cependant la principale manipulation n’est pas là. Partons de l’hypothèse qu’il y ait une certaine augmentation des échanges, même si, de mémoire, ceci a pu être contesté [2]. Comment passe-t-on de cette affirmation aux affirmations suivantes : “Il convient donc de rappeler que l’augmentation des échanges internationaux n’est ni bon, ni mauvais en soi.
Ce qui compte, c’est de le prendre comme un fait et de prendre ses dispositions pour s’adapter à cette nouvelle situation.
Or, c’est typiquement ce que la France ne fait pas. Au contraire, notre pays, par sa fiscalité écrasante, ses charges sociales et peut-être plus encore son refus de toute flexibilité en matière de droit du travail et de droit social, condamne nos entrepreneurs à concourir en position de faiblesse.
Jacques Chirac ne cesse d’en rajouter dans la démagogie tiers-mondiste ou autre, sans se préoccuper de savoir si ses « solutions » seront suivies ou non par les autres pays développés.
[...]
Cessons donc enfin de mener des combats perdus d’avance pour maintenir un illusoire protectionnisme et donnons à nos entreprises les moyens d’être compétitives !

 [3]

le raisonnement a pour but de persuader qu’il faut accompagner le mouvement et pour cela, très concrètement, diminuer la fiscalité et les charges sociales, flexibiliser le droit du travail et le droit social.
L’argument principal avancé semble être : "la mondialisation est un fait". Permet-il réellement de passer d’une affirmation (= l’augmentation des échanges) à l’autre (= accompagner cette augmentation). L’autre argument est de dire que la France ne peut changer les choses toutes seules.
Ce dernier argument est un fort argument mais peut être discuté.
L’argument qui est de dire que la mondialisation est "un fait" est par contre manipulatoire. Il repose sur l’ambiguïté de cette affirmation. L’article veut, de façon cachée, faire faire le raisonnement suivant au lecteur : On ne peut s’opposer à la mondialisation telle qu’elle existe actuellement, et donc il ne faut pas s’y opposer, mais au contraire l’accompagner. Dit comme cela évidemment, l’article susciterait beaucoup des questions, remarques et de critiques : une autre mondialisation n’est-elle pas possible ? doit-on tout accepter ? etc...
L’argumentation développée est la suivante : Il y a une croissance des échanges, c’est la base de la mondialisation actuelle avec toute ses souffrances, ses inégalités, son risque écologique et financier, mais on ne peut critiquer cette mondialisation car on ne peut s’y opposer, et ne pouvant s’y opposer il faut la favoriser, et pour cela il faut choisir de précariser les travailleurs...
Celui qui a rédigé l’article sait que cette affirmation floue initiale : "la mondialisation est un fait" signifiera dans l’esprit du récepteur [4] "ne pas pouvoir s’opposer à la mondialisation est un fait", ce qui n’est pas un fait mais une hypothèse. Or un fait ne peut être infirmé, donc on ne peut s’opposer à la mondialisation. Le raisonnement est tautologique. On passe ensuite à : on ne doit pas s’opposer ; et puis surtout à : il faut diminuer la fiscalité, etc.... (ce qui est par contre très clair).

Je n’ai pas encore lu les commentaires de l’article "la mondialisation est un fait...". On peut essayer d’y vérifier [5] mon modèle .

Brouillon

Il est maintenant temps d’entrer dans les vraies mathématiques [6], celles où l’on a l’agréable illusion de manipuler autre chose que des boîtes remplies de vide ou des boîtes remplies de boîtes remplies de vide ou ... — des mathématiques qui n’auraient jamais intéressé personne sans cette illusion et leur surprenante adéquation à la “réalité”. Godement Analyse p 46


Comte-Sponville fait la même séparation que dans l’article incriminé entre l’économie et la morale dans son livre sur le capitalisme est-il moral. Or il faut distinguer l’économie en tant que réflexion rationnelle sur la circulation d’argent et des marchandises, et les choix économiques. Dire que l’économie est une science (au sens large) est parfois donné comme un argument pour justifier des choix économiques qui reposent en fait sur des valeurs morales. De plus l’économie néolibérale qui se veut scientifique repose sur la prémisse que les hommes ne sont guidés que par l’égoïsme [7]. Enfin le néolibéralisme ne repose t-il pas sur la "morale" du : "qui veut la fin, veut les moyens". Ce qui est une morale condamnable.


[1Vérité ou Réalité, le Réel étant ce qui résiste

[2par rapport à un ancien passé

[3Cela ressemble beaucoup, toute proportion gardée, aux arguments d’Eichmann : pas de réflexion pour savoir si cela entraîne ou non des souffrances injustifiées, argument de l’impossibilité de changer les choses, etc... Si le néolibéralisme actuel nous entraînait à la catastrophe écologique, financière ou autre, ne devrait-on pas envisager un procès pour tous ceux qui nous ont mené à la catastrophe ?

[4Du fait de la propagande médiatique

[5classement et pertinence des arguments

[6= A l’inverse de la théorie des ensembles

[7"Le premier principe de la science économique veut que tout agent soit mû par son propre intérêt., écrivait Edgeworth en 1881. Un siècle plus tard, l’économiste Denis Mueller admet encore : "le seul présupposé essentiel pour une science descriptive et prédictive du comportement humain est l’égoïsme." la doctrine néoclassique repose sur le postulat que les individus ne cherchent rien d’autre qu’à maximiser leur propre utilité, et que leurs choix sont dictés par la recherche de leur plus grand avantage." Michel Terectchenko : "Un si Fragile vernis d’humanité"