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Sur quoi fonder ses décisions de soins [version 1.00]

samedi 27 décembre 2008, par omedoc

Pour qui travailler ? [1]

 Pour soi : intérêts personnels
 Pour l’industrie pharmaceutique : pression publicitaire
 Pour la "sécu" : pression économique
 Autre : pression médiatique
 Pour le malade (et non la personne) : pression du patient (consommateur).
 Pour la personne (atteinte d’une maladie)

"Données actuelles de la science" ou "pifométrie" ou "primum non nocere" ou " ?"

Soit une pathologie et prenons trois médecins :
 un qui applique "les données actuelles de la science", les recommandations, les conférences de consensus, les référentiels,
 l’autre qui ne croit qu’en son expérience clinique, à sa subjectivité,
 et le dernier, qui se méfie de cette dernière et n’applique que la maxime : "d’abord ne pas nuire".

Quel est -celui qui aura le meilleur résultat, sachant qu’appliquer les "données actuelles de la science" c’est extrapoler des résultats "démontrés" dans une certaine population à d’autres populations, et sachant que se fier à son expérience n’a rien de scientifique ?

Quel est l’intérêt des données actuelles de la science ?
 Diminuer la probabilité de se tromper ? Non car la quantification pour un malade précis est impossible.
 Être utilisé en tant qu’argument ? Oui, et j’y reviendrai. La médecine n’est ni une science exacte, ni un art (la pifométrie), mais cela n’empêche pas d’approcher la vérité par une démarche rationnelle.

Concernant les limites de l’expérience personnelle :
La science c’est l’induction (la découverte de lois, de théorèmes) permettant de passer du cas particulier au cas général, permettant ainsi de retourner au cas particulier. la science c’est généraliser (passage à l’infini) des faits démontrés sur un nombre fini d’objets/individus. Il n’y a de science que du général.

Devant tant d’incertitude, la position de celui qui veut d’abord ne pas nuire est donc tout à fait légitime.

L’expérience du médecin est (dans le contexte de cet
l’article) celle qui donne lieu à des généralisations - souvent abusives s’il
n’y a pas d’esprit critique - et qui fait que le médecin se fait ses propres
références et recommandations. Pour moi elle a autant
de valeur que les "données actuelles de la science" puisque ces dernières
s’appliquent à une certaine population statistique et qu’on ne sait pas si
notre patient appartient à cette population ; Exemple : les résultats des
essais thérapeutiques faits chez des américains sont-ils exportables aux
français ? Ce n’est pas plus rationnel d’extrapoler de tels résultats à ses
patients que de partir de son expérience ou que d’estimer que vu qu’on ne
sait pas alors il faut d’abord ne pas nuire.

Concernant la valeur des données actuelles de la science, recommandations... voir cet article du docteur du16

Ce que je propose c’est d’utiliser consciemment et à "égalité", les trois voies avec esprit critique. Celui qui sera le plus proche de la "vérité" et donc du résultat visé sera donc celui qui appliquera les 3 : données de la science, intuition clinique, et "primum non nocere". Le plus important pour progresser étant, de plus, l’esprit critique, et auto critique.

Que faire en l’absence de données scientifiques ?

primum non nocere

A propos de la "dépression résistante", Prescrire d’octobre 2010 conclu son article en constantant l’absence de panacée, et l’existence de beaucoup d’incertitudes et de nombreuses propositions sans intérêt établi. Prescrire conclu : "en pratique, un choix guidé par le risque d’effets indésirables".

"Dans certains cas, il vaut peut-être mieux se contenter d’une amélioration modérée des symptômes dépressifs, et s’ffforcer de maintenir une écoute et une relation de qualité, que de rechercher à tyout pris à obtenir une rémission complète en exposant les patients à des effets indésirables sévères."

Propos de médecins :


"Comme tout le monde : je bricole comme je peux - et je me plante de temps en
temps. Mais je garde toujours à l’esprit le "primum non nocere". Donc toute
chose égales par ailleurs et quand la science ne peut m’aider je privilégie le
placebo au produit pharmacologiquement actif, le paracétamol aux AINS, la
temporisation et les "bons conseils" aux antibiothérapies, etc...

Et je me méfie comme la peste de "l’expérience" (la mienne et celle des autres)"


"Les statistiques, c’est pour les losers".


"Je me demande un truc quand même : vu que les études contrôlées ne
concernent pas plus de la moitié de notre activité clinique(1), comment
fais-tu dans ces cas-là ?

C’est à dire soit les jeunes, soit les vieux, soit les femmes en âge de
procréer, les fumeurs (souvent), les alcoolos, les pas capables de rentrer
dans un protocole, les qui n’ont pas la maladie de tout le monde, les qui
ont deux maladies, ou trois. Ceux qui ne veulent pas du traitement de
référence, ceux qui ont trop peur, ou pas assez. Ceux qui ne veulent pas de
médicaments. Ceux qui ne ressemblent à personne. Ceux chez qui le truc
habituel ne marche jamais. Ceux qui sont persuadés au départ que le
traitement le plus logique ne marchera pas."


"Remplace "expérience" par "subjectivité" "ou pifomètre"... Tu devrais te
lancer dans le méthotrexate pour les OMA. Après tout, on a une certaine
expérience de ce produit, il n’y a pas d’études cliniques négatives dans
cette indication et il existe de bons arguments théoriques : dans
certaines pathologies c’est un puissant anti-inflammatoire, mieux que
les AINS."


"la médecine ne fait pas mieux que ce que font les oncles et les tantes
disait Illich"


"Mais lorsque je prends mon exemple fétiche de l’AINS dans l’OMA, va voir les
études princeps : tu peux en conclure que tu n’as aucune idée de l’effet des
AINS dans l’OMA. Donc, fautre de mieux, tu en déduis que ton expérience vaut
quelque chose."


« Pour moi, c’est :
Dans tous les cas, essayer de ne pas nuire
Voir si les données de la littérature m’apportent des éléments, et sinon me
fier à mon expérience ou à celle des autres.
 »


[1inspiré de la revue prescrire